L’effroyable tragédie qui se joue en Somalie, depuis près de deux décennies, qui s’en préoccupe ? Las le principe du droit d’ingérence humanitaire. Ce qui se passe en Somalie réunit pourtant toutes les raisons légitimant le recours à ce principe par la communauté internationale. L’Etat somalien n’existe plus en effet. Il n’y a plus que des seigneurs de guerre qui se disputent des lambeaux d’autorité sur un peuple massacré, dispersé et réduit à des conditions de survie qui n’ont plus rien d’humain. Le crime génocidaire est aveuglant dans sa réalité et malgré cela, la Somalie et son peuple n’interpellent pas la conscience internationale. Les actes de piratage qui se commettent au large de ce pays suscitent plus d’émotion que les combats se déroulant entre factions somaliennes rivales dont la population civile est la victime.
Pourquoi cette indifférence internationale au drame somalien, qui s’assimile à crime de non assistance à peuple en danger ? Le silence de la communauté internationale est assourdissant, et ce ne sont pas les actions humanitaires accomplies vaille que vaille, par quelques organisations non gouvernementales, qui absoudront celle-là de son terrible désintérêt de la tragédie que vit le peuple somalien. L’ONU, les grandes puissances, qui se targuent du rôle de gendarmes de la paix internationale et de la protection des peuples menacés de génocide et de catastrophes humanitaires, sont singulièrement défaillantes, désintéressées en ce qui concerne la Somalie. Pire, l’organisation internationale et ces puissances cautionnent l’intervention éthiopienne en Somalie, qui n’a abouti qu’à faire de la Somalie le théâtre d’une guerre civile qui se double d’une lutte de résistance contre cette intervention que les Somaliens ne peuvent accepter pour des raisons qui puisent leur sens dans le séculaire état de confrontation qui prévaut historiquement dans les rapports entre la Somalie et l’Ethiopie. Ce n’est de toute façon pas ce pays, dont la situation nationale est à peine moins dramatique que celle que vit la Somalie, qui est en mesure d’être un secours pour le peuple de ce pays. Ce n’est pas non plus l’Union africaine aux moyens d’intervention dérisoires qui est en mesure d’assumer ce rôle.
Tout comme elle l’a fait pour le Darfour, la communauté internationale a le devoir et l’obligation de se mobiliser pour la Somalie. Ce qu’en ne faisant pas, elle conforte l’accusation qui lui est dressée d’exercice sélectif et intéressé du droit d’ingérence humanitaire. Comment, en effet, ne pas interpréter l’inertie internationale face au drame somalien, comme la manifestation du désintérêt à l’égard d’un peuple et d’un pays n’ayant ni puits de pétrole, ni d’autres richesses « justifiant » que l’on vole à leur secours. Jusqu’à quelle échelle des souffrances le peuple somalien devrait arriver pour susciter l’aide et la protection internationale ? Ce qu’il endure est déjà accablant pour la conscience humaine mais n’a guère ému celles de tous les Kouchner prompts, par ailleurs, à partir en guerre, sous couvert d’humanitaire, là où les intérêts de leurs manipulateurs sont en cause.
mardi 30 septembre / Kharroubi Habib - Le Quotidien d’Oran