Hum…ça chauffe… comment choisir ma banque….?

Publié le 30 septembre 2008 par Anne-Sophie

En ces temps de crise, voilà une étude qui tombe à propos… Les Amis de la Terre publient aujourd’hui la version 2008-2009 de leur guide éco-citoyen “Environnement: comment choisir ma banque ?”, en partenariat avec l’association de consommation éco-citoyenne CLCV. Basé entre autres sur l’expertise de BankTrack, le réseau international d’ONG travaillant sur la finance dont les Amis de la Terre sont membres, le guide 2008-2009 confirme ce que son prédecesseur révélait déjà : de trop nombreuses banques françaises sont impliquées dans des projets controversés aux impacts sociaux et environnementaux lourds. Afin d’en savoir plus sur l’étude, nous avons interrogé il y a peu Yann Louvel, chargé de campagne Finance privée aux Amis de la Terre.


Cousou Yann! Dis nous, combien de personnes travaillent sur le projet et depuis combien de temps?

Le nouveau guide éco-citoyen 2008-2009 “Environnement : Comment choisir ma banque?” et le nouveau classement sont une actualisation du guide de 2007, que nous avons enrichi. Stricto-sensu, c’est moi, en tant que chargé de campagne Finance privée aux Amis de la Terre, qui ai travaillé à la mise à jour du guide. Mais c’est l’aboutissement de 3 ans de travail et de réflexion sur le sujet, depuis le lancement de la campagne sur la responsabilité des acteurs financiers privés fin 2005. On peut donc inclure toutes les personnes qui ont travaillé pour cette campagne, soit 4 personnes, sans parler des autres membres de l’équipe comme la chargée de communication, la directrice, et tous les aceturs que nous avons rencontrés et qui ont fait mûrir notre réflexion. Bref, ça fait du monde, et ça fait 3 ans que ça dure!

Comment avez vous procédé? Avec quels interlocuteurs?

Le contenu du guide et le classement obtenu sont principalement basés sur les rapports d’expertise que nous avons réalisé sur les impacts environnementaux et sociaux du secteur bancaire en France. Nous avons ainsi publié en mars 2006 le rapport “Banques françaises et environnement : presque tout reste à faire”, qui faisait pour la première fois le lien entre les impacts des activités économiques et les banques qui les financent.

Nous avons ensuite publié en mars 2007 le rapport “Banques françaises, banques fossiles?”, qui analyse l’impact climatique des activités des grandes banques françaises. Nous nous appuyons également sur l’expertise du réseau BankTrack: celui-ci a publié au début de l’année le rapport “Mind the Gap”, qui analyse les politiques internes des 45 plus grandes banques internationales. Pour la réalisation d’un rapport d’expertise, le déroulement est toujours le même :

  • Analyse des informations rendues publiques : sites Internet, rapports annuels, rapports de développement durable ou de responsabilité sociale, rapports d’experts touchant au sujet, etc.
  • Rencontre des interlocuteurs dans les banques retenues pour l’étude.
  • Elaboration puis envoi d’un questionnaire aux banques, pré-rempli par les Amis de la Terre sur la base des informations publiques disponibles.
  • Recherche d’informations complémentaires provenant d’autres sources (médias, universitaires, associations, syndicats, etc.).
  • Analyse des questionnaires et rédaction du rapport.
  • Relecture des questionnaires et des notes attribuées par les banques avant publication finale.
  • Publication finale du rapport et lancement de la campagne!

Nos interlocuteurs sont donc essentiellement les personnes responsables du développement durable dans les grandes banques françaises, mais pas seulement. Les employés d’autres services et les autres intervenants du milieu (journalistes, universitaires, syndicalistes, consultants…) sont également une source précieuse d’informations.

Cela a-t-il été facile?

Non, ce n’est vraiment pas facile. Et les banques ne nous facilitent pas la tâche, bien au contraire! La notion de “secret bancaire” n’est pas qu’un concept, elle existe vraiment mais est à géométrie variable. Certaines banques font en effet l’effort de publier des éléments d’informations qui nous permettent de faire notre travail, comme de calculer par exemple la part de financement des énergies renouvelables dans tout le financement du secteur énergétique d’une banque, d’autres s’y refusent obstinément. C’est d’ailleurs notre premier cheval de bataille : l’amélioration de la transparence!

Qu’est-ce qui t’a le plus étonné?

L’énorme impact des banques dans la marche du monde, et la responsabilité qui vient avec. J’ai été par exemple abasourdi d’apprendre que les émissions de gaz à effet de serre induites par les activités financées par les banques françaises sont 3 fois plus importantes que les émissions totales de la France, notre pays, comme le révélait notre rapport “Banques françaises, banques fossiles?” ! De même, le rapport entre les émissions directes et induites de GES des banques fait réfléchir : pour chaque tonne de CO2 émise par les activités directes d’une banque (transport des salariés, chauffage des agences…), ce sont 1000 tonnes qui sont émises par les activités financées par cette même banque. Ça remet les idées en place et ça laisse songeur quand on voit que la réduction des impacts directs est la première chose à laquelle s’attaquent les chétifs services au développement durable des grandes banques françaises, ce qui est nécessaire mais ne constitue certainement pas l’enjeu majeur pour le secteur financier selon nous.

Quelles grandes conclusions doit-on en retenir?

La nouveauté de cette nouvelle version du guide, c’est de raisonner en terme de “risques”. Doubles risques : les risques environnementaux et sociaux des activités des banques françaises, bien sûr, mais aussi et surtout, en conséquence, le risque que l’argent que les citoyens leur confient soit utilisé pour financer des entreprises et des projets avec lesquels ils seraient totalement en désaccord.

On se rend ainsi rapidement compte que ce sont les banques qui sont ont une activité de banque de financement et d’investissement la plus développée à l’international qui sont les plus exposées. BNP Paribas, la Société Générale et le Crédit Agricole-LCL sont de loin les principales banques françaises actives dans ce domaine. Elles disposent par ailleurs de très faibles politiques internes de réduction des risques. On les retrouve donc logiquement impliquées dans plus d’une dizaine de projets controversés, chacune sur des projets que nous suivons à travers le monde, comme des projets pétroliers, gaziers, miniers, des centrales nucléaires, des grands barrages, etc.

A l’inverse, les activités de la toute petite banque La Nef ont des impacts positifs puisqu’elle est la seule banque à s’être donné pour mission d’utiliser l’épargne citoyenne qui lui est confiée pour financer exclusivement des projets dans les domaines environnementaux, sociaux et culturels. Elle est également la seule à publier chaque année la liste complète des projets qu’elle finance, avec le montant du prêt octroyé et la description des activités financées. C’est pour ces raisons que les Amis de la Terre sont partenaires de la Nef depuis début 2008, pour promouvoir une autre vision de l’argent.

Entre les deux, on retrouve la Banque Postale, la Banque Populaire, la Caisse d’Epargne et le Crédit Mutuel-CIC, qu’on retrouve dans quelques projets controversés mais dont l’activité reste essentiellement concentrée en France.

Et concrètement… que peut-on faire?

Deux choses sont possibles à faire : l’idéal est bien sûr de changer de banque, et de faire savoir à son ancienne banque les raisons de sa décision. N’oubliez pas, dans ce cas, d’envoyer une copie du courrier que vous adressez à votre agence aux Amis de la Terre. Nous nous ferons un plaisir de la transmettre à la direction de votre ancienne banque, ce qui donnera plus de poids à votre geste.

Mais tout le monde n’a pas forcément le choix, pour différentes raisons. Il est donc tout aussi important de faire savoir à votre banque que vous êtes mécontent de ses activités et de lui faire part de vos demandes en tant que client. On pense souvent qu’une simple lettre n’a aucun impact, mais c’est tout le contraire car les services clientèles sont sur le pied de guerre, prêts à tout pour conserver leur précieuse clientèle. Bref, les cartes sont dans vos mains, à vous de jouer!

Merci beaucoup Yann pour tes conseils avisés et pour ce beau travail que vous nous livrez aujourd’hui! Autre chose à ajouter?

Oui! Il faut se dépêcher de le lire car les banques actuellement dans le rouge n’existeront peut être bientôt plus: de par leurs activités de marché et à l’international (banque de financement et d’investissement), les banques les plus risquées en matière environnementale et sociale sont aussi les plus risquées tout court, en terme financier, de par leur exposition aux “aléas du marché”… Et en ce moment, l’aléa est… assez important dirons nous.. n’est-ce pas?;-)

Enfin, nous avons aussi mis au point un site internet pour les étudiants: intitulé Je choisis Bien ma Banque.

Et pour celles et ceux qui veulent en savoir plus sur la crise des subprimes, je conseille cette vidéo qui résume admirablement bien le processus de la crise, résumé par deux humoristes anglais (et en anglais donc!):

++ Pour aller plus loin ++

  • Les Amis de la Terre
  • CLCV
  • BankTrack
  • Guide éco-citoyen “Environnement: comment choisir ma banque ?” (PDF)
  • “Banques françaises et environnement : presque tout reste à faire”
  • Banques françaises, banques fossiles?”
  • Sur l’impact des produits bancaires sur le changement climatique
    • Novethic, La caisse d’Epargne donne une note développement durable à ses produits financiers, 17 juin 2008
    • Actu-Environnement, Les Amis de la Terre saluent l’initiative de la Caisse d’Epargne en matière d’étiquetage des produits financiers, 18 Juin 2008