Antony Barroux : Bonjour Pierre-Henry,
Pierre-Henry Muller : Bonjour Antony,
Tout d’abord merci pour ton accueil sur Pixfan.
AB : Comment avez-vous découvert la photographie HDR ?
P-H M : Mon thème de prédilection qu’est l’exploration urbaine et qui consiste notamment à photographier des lieux à l’abandon : friches industrielles, ruines de monuments, maisons abandonnées, … m’a forcé à l’utilisation de grande plage de lumière et de constraste.
Lorsque l’on photographie l’intérieur d’une église pour correctement exposer la structure et les éléments décoratifs, la lumière pénétrant les vitraux est forcément sur exposé donnant des zones blanches que l’on qualifie de cramée dans le jargon. Dans une église en jouant sur cet aspect on obtient une lumière « divine » qui donne une atmosphère et une présence dans la photo.
Dans mes explorations, mon but est de garder une trace d’un passé révolu qui n’existera plus jamais et qui risque de disparaître peu de temps après mon passage. J’ai tout naturellement cherché à outrepasser cette limite de dynamique de lumière de nos capteurs / pellicules pour restituer ce que j’avais vu dans les moindres détails. Comme à peu près tout le monde, j’ai essayé au début de contre carré cela en prenant une photo sous exposée pour avoir les éléments trop lumineux et je faisais des masques entre les deux photos pour récupérer les zones trop claires, mais cela est très compliqué lorsqu’il y a des arbres dans la scène par exemple.
Exemple de photo HDR mélangeant scène intérieur et extérieur :
C’est un ami explorateur (Sylvain Margaine) qui m’a mis sur la voie du HDR en me montrant la fonction bracketing (mode qui prend trois photos en rafale avec des expositions normales, sous exposée et sur exposée) des appareils photos. Une fois ce mode connu j’ai expérimenté un peu tous les logiciels de l’époque et seul Photomatix donnait des résultats concluants. Pour résumé la photographie HDR; le principe est de prendre une série de photo de la même scène que l’on étale sur la plage de luminosité, on obtient des photos sous exposée pour les hautes lumières, des photos normalement exposées pour les tons moyens et des photos sur exposées pour les faibles lumières. Il suffit de les fusionner en un fichier HDR capable d’enregistrer toutes les informations des photos sources et utiliser l’étape du Tone Mapping pour compresser cette plage de lumière en une image affichable sur nos écrans. En effet une image HDR contient 32bits par couleurs au lieu de 8bits pour une image JPEG, aucun écran n’est capable d’afficher une telle profondeur de couleur.
AB : En quoi cette technique est devenue indispensable dans vos prises de vues ?
P-H M : Il y a plusieurs raisons à cette usage presque intensif.
Premièrement, je tend à rendre la photo la plus réaliste possible par rapport à la scène. Cela va de la lumière, les détails au travers des fenêtres ou vitraux, aux détails dans les ombres avec parfois des sujets secondaires dans ces zones.
Photo au rendu réaliste, infaisable autrement qu’en HDR :
Deuxièmement, cela permet par l’étape du Tone Mapping de renforcer ou d’effacer les contrastes d’une photographie. Je préfère avoir un maximum de contraste effacé sur la photographie HDR et ajouter les contrastes là où cela me semble le plus judicieux au moment de la retouche.
Cette technique permet de s’affranchir d’un soleil de plomb qui prononce trop les ombres en été. On ne choisit pas toujours les horaires de ses prises de vues, cette technique me permet de reprendre le contrôle sur ces éléments.
Troisièmement, il y a quelques domaines photographiques où pour moi le HDR est presque irremplaçable comme la photographie panoramique par assemblage et le paysage. Certaines prises de vue en macro et certains portraits peuvent être bien meilleur en HDR qu’en photo seule.
AB : Pourquoi un livre sur la photographie HDR ?
P-H M : La photographie HDR permet plusieurs style de rendus, on retrouve le rendu réaliste (qui tend le plus possible à montrer la réalité), le rendu dit impressionniste (qui se reconnaît à un rendu équivalent à la peinture ou jeux vidéo) et le rendu dit d’extraction de texture (c’est un dérivé du rendu impressionniste qui permet de mettre en avant la texture d’une scène).
Exemple de scène d’extraction de texture :
Les premiers retours que j’ai eu sur mes photos HDR étaient des questions techniques de photographes qui se demandaient quelle retouche ou quel filtre j’avais pu utiliser pour faire telle ou telle photo. Lorsque j’expliquais ma technique les personnes l’essayaient tout de suite mais n’arrivait pas à faire des résultats corrects. C’est là que j’ai pris conscience que la photographie HDR était très exigeante et ce dès la prise de vue un peu comme la macrophotographie. J’avais alors promis de tenter de faire des tutoriels de traitement HDR mais impossible alors d’expliquer en détail mes recommandations pour la prise de vue et leurs utilités.
Lorsque Jean-Christophe Courte trouva sur mon site une photo de son ancien pensionnat entièrement délabré, il fut surprit par la photo et me demanda alors comment j’avais réalisé la prise de vue, s’en suit une longue discussion sur la technique et il me proposa de faire un livre sur le sujet. J’ai alors trouvé l’occasion et le support idéal pour mettre à plat l’expérience que j’ai pu acquérir sur cette technique. Ce livre est surtout le premier avec des exemples concret et pas des photos prises pour l’écriture du livre, enfin c’est le premier en français sur cette technique.
En complément du livre j’ai créé un site dédié à la photographie HDR qui est la continuité du livre et qui propose des réflections sur la technique, des tutoriels, des photos des lecteurs soumis à la critique, l’actualité des logiciels.
AB : Quel(s) logiciel(s) utilisez-vous ?
P-H M : J’utilise presque tous les logiciels HDR qui existent. La raison est simple chacun a son propre algorithme de traitement et toutes les scènes ne vont pas dans tous les logiciels.
Ainsi Photoshop est clairement le meilleur logiciel de fusion des images sources mais il est compliqué pour un débutant pour l’étape du Tone Mapping. A l’inverse Photomatix Pro est très à l’aise pour l’étape du Tone Mapping et abordable aux débutants mais ses algorithmes sont limités en cas de plage de lumière trop importante ou pour les scènes de nuit. Pour les sujets en mouvement j’utilise Autopano Pro qui sert pour la photographie panoramique et qui possède un excellent traitement des sujets mobiles entre plusieurs photos.
Enfin Hydra et QtPfsGui pour certains rendus.
Il faut donc trouver ses habitudes au milieu de ces logiciels, dans le livre je propose des solutions adaptées aux différentes scènes, libre à chaque photographe de trouver ses affinités.
Photo de scène de nuit en HDR :
AB : Connaissez-vous d’autres photographes pratiquant la photographie HDR dont vous appréciez les travaux ?
P-H M : A titre personnel j’apprécié les travaux de Sylvain Margaine sur l’exploration urbaine, Yves Lambert spécialisé dans les panoramiques HDR.
Sur www.photo-hdr.com j’ai commencé à interviewer des photographes de différents pays qui pratiquent le HDR. Je les ai sélectionner soit pour leur style de rendus HDR soit par la multitude de sujets qu’ils abordent grâce au HDR.
AB : Comment voyez-vous évoluer cette technique dans les années à venir ?
P-H M : Les capteurs numériques s’améliorent dans le temps, on vient de le voir au salon Photokina Fuji a annoncer un nouveau capteur qui est capable grâce à deux capteurs côte à côte pour chaque pixel de capturer aussi bien les tons moyens que les hautes lumières. C’est un bon début qui va permettre d’avoir des photos plus complètes avec une prise de vue unique.
Néanmoins cela ne remplacera pas la photographie HDR pour les scènes où on doit prendre 9 ou 12 photos différentes mais cela va aider le grand public à prendre des photos de famille ou des paysages avec une dynamique bien meilleur et qui sait peut être éviter l’usage du flash dans certains cas.
J’espère enfin que l’ensemble des logiciels de traitement HDR vont encore améliorer leurs algorithmes afin de traiter encore plus de scènes difficiles.
Scène potentiellement possible avec les futurs capteurs CCD :
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AB : Quel conseil pouvez-vous donner à nos lecteurs qui souhaitent se lancer dans la photo hdr ?
La photographie HDR parait souvent compliqué, je la compare souvent à la photographie en macro. Le matériel est important; l’usage d’un trépied ou d’une solution de stabilisation est vivement recommandé, un déclencheur souple ou infrarouge est préférable. Ce n’est pas du grand matériel comme en macro mais c’est une base pour que vos différentes photos se superposent correctement. Lorsqu’en macro on doit être rigoureux sur la prise de vue vis à vis de la profondeur de champs par exemple, cela parait normal car on ne peut pas changer ce paramètre à la retouche. En photographie HDR c’est pareil, si vous n’avez pas le bon nombre de photo dans la plage de lumière, le logiciel HDR ne pourra pas inventer les informations manquantes. C’est malheureusement ce manque de rigueur à la prise de vue qui fait que la très grande majorité des photos HDR que l’on voit sur la toile ne paraissent pas naturelles voir complètement loufoque. Si votre prise de vue est bonne vous pouvez faire aussi bien des photos réalistes que des photos impressionnistes, si votre prise de vue n’est pas correcte vous n’aurez que la possibilité de faire des photos impressionnistes.
AB : Quels sont vos prochains projets ?
P-H M : Mes projets sont multiplient pour les mois prochains et l’année prochaine. Je vais essayer d’organiser une sortie photo HDR dans Paris pour mettre en pratique les conseils du livre, cette sortie sera annoncée sur le site www.photo-hdr.com.
Je suis en train de voir à organiser une exposition photo sur l’exploration urbaine avec uniquement des photos HDR.
Et pour l’année prochaine je vois à préparer un deuxième livre plus directement orienté sur mon thème de prédilection qu’est l’exploration urbaine.
Merci aux lecteurs de Pixfan, merci à Antony pour cet interview.