Affalé dans mon canapé briaçin ou dans celui de mon ami Didier et de sa compréhensive compagne, Marième, chez qui j’ai vécu pendant plusieurs années lors de mes déplacements parisiens, je me laissais aller au double plaisir de m’endormir sur les jeux de mots à deux balles d’un Cauet et d’interrompre les monologues d’un Fogiel en envoyant un rayon fulgure avec ma télécommande.
Un verre de vin dans une main, une cigarette dans l’autre, et les yeux rivés sur ce monde virtuel, trop rarement instructif, souvent futile, toujours auto satisfait : voilà le blaireau addicté que j’étais.
Outre les réactions épidermiques et les critiques justifiées de Valérie, ces longues soirées au coin du creux ne m’auront ni rendu plus cultivé, ni laissé le moindre souvenir d’aucune sorte. Lamentable. Et le pire, c’est qu’à l’exception, peut être, des magazines télé, je ne lisais plus ou presque plus.
Fort heureusement, l’arrivée en Islande a concordé avec mes adieux télévisuels. Le seul rectangle devant lequel je regarde le monde, c’est celui de mon ordinateur portable. Et en fait de monde il s’agit du mien. Après avoir suivi la triste ronde des hommes, je fais valser mes rêves d'aventure sur ce blog.
De préférence le matin, quand les enfants sont à l’école. C’est plus calme.
Je parviens à me sevrer de cette overdose de néant cathodique en me shootant de moi-même. Drogue douce, donc. Je n’ai pas la prétention de rivaliser avec le pouvoir d’addiction d’Ardisson.
La journée commence en général par un petit déjeuner complet : tartine beurrée et confiture, yaourt à boire aux fruits, jus d’orange, deux comprimés d’huile de foie de morue (indispensable pour avoir une chance de passer l’hiver), et surtout café. En France, le petit déjeuner était pour moi une sorte d’aberration nutritionnelle. Impossible d’ingérer autre chose que du café justement. Pas le temps. Pas faim. Trop de stress.
Le petit déjeuner terminé, soit j'entame le bref récit de nos journées, soit j’opte pour la douche.
Le lecteur attentif serait en droit de se demander pourquoi je m’apprête à expliquer comment on prend une douche. Tout le monde sait ce qu’est une satanée de douche.
Pour être tout à fait franc, je suppose que, peut-être, certains seraient curieux de découvrir le quotidien d'un auteur de blog résidant en Islande. Petit déjeuner et douche inclus.
C’est con ? Probablement. Je poursuis malgré tout pour ceux qui envisagent de devenir eux aussi des bloggers renommés et talentueux et qui, dans cette perspective, souhaitent percer les secrets d’une rigueur, tant sanitaire que culinaire, sans faille, cerner les mystères d’une créativité débordante et comprendre comment on peut être aussi désopilant que je le suis.
La douche, donc.
En Islande, la douche c’est comme… C’est comme…
Une parenthèse : j’écris en direct. Comme à la télé. Donc, quand je cherche une métaphore, je la cherche vraiment. Et je ne la trouve pas nécessairement immédiatement.
Quand vous regardez un match de foot en direct, vous attendez-vous à voir Anelka marquer un but dès que l’arbitre siffle le début du match ? Oui ?
Bon l’exemple du foot est mal choisi.
Toujours est-il que je vous fais vivre ma vie d’écrivain de l’intérieur.
Qui peut se targuer d’avoir vu des rédactions d'articles de blog en direct live ? J’écoute.
Zéro. Nada. Que dalle. I’m the first. Voilà la vérité. C’est la première fois qu’un auteur accepte d’être lu comme ça, chez lui, à Reykjavik de surcroît, sans préparation, ni répétition.
En Islande donc, la douche c’est comme…
C’est un peu comme les toilettes en Turquie. Je reconnais que là, j’y vais un peu fort.
Certains vont s’imaginer qu’en Islande les douches ressemblent tellement à des toilettes turques, que les gens se lavent accroupis.
Non, ce je veux dire, c’est qu’en Islande, la douche, c’est probablement aussi important que les toilettes en Turquie, mais surtout : on y reste longtemps.
Je sais. En France, aussi… Peut-être. Je doute toutefois que l'analogie du français constipé dans ses latrines comme préambule à la célébration de la douche islandaise génère l'enthousiasme attendu.
Pas plus qu'avec les toilettes turques cela dit. Soit.
Pourtant la douche en Islande - mais c’est une particularité des pays nordiques en général - est un lieu de détente à part entière.
Vous aurez un peu de mal à y feuilleter d'un œil morne le dernier Gala, en revanche les imagiers animaliers en mousse de vos chérubins conviendront parfaitement. Il n'est d'ailleurs pas certain que vous fassiez la différence entre la vision du compagnon de Céline Dion affalé sur une plage et l'illustration colorée d'une baleine.
Bref.
La douche lieu de détente, à l’instar des piscines, elles-même autant conviviales que les…
Non, pas les toilettes turques. … que les - enfin que certains cafés parisiens.
Dans les bains d’eau chaude des piscines islandaises, les hommes et les femmes se retrouvent très régulièrement pour parler. Des après-midi mondains en maillot de bain en quelque sorte. Les islandais ont besoin de contacts nombreux et de qualité avec l’eau chaude pour compenser ceux avec les trombes d’eau glacée qu’ils se prennent assez régulièrement sur la tronche.
C’est la raison pour laquelle les douches islandaises sont spacieuses et confortables.
Je peux presque m’y allonger. Ce qui ne serait pas un exploit au regard de ma petite taille, mais tout de même.
Par ailleurs, l’eau étant chauffée de façon naturelle grâce aux sources d’eau chaude et à la géothermie, je peux savourer, sans me presser, le bonheur d’une douche brûlante et profiter de ses vertus bénéfiques pour la peau, sans me ruiner.
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Jingle Pub Antenne 2 en 1982
Uploaded by goomba03
Toujours est-il que pendant ces longues minutes exemptes de contraintes, empreintes de calme, de sérénité, je peux rêver, somnoler, ou, le plus souvent, ne penser à rien, sous une eau à 40°
L’eau chaude, en Islande, ne présente qu’un seul et très léger inconvénient olfactif, lié à la présence de soufre : elle sent l’œuf pourri.