Physiquement, Dominic Noonan se situe entre François Hadji-Lazaro et Frank Black. Pour le reste, ce caïd mancunien fait plutôt penser à Martin Cahill, le roi clownesque de la mafia irlandaise, immortalisé par John Boorman dans Le général. Multipliant les facettes et les contradictions, Noonan est un fascinant personnage de documentaire, à la fois chef d'entreprise, bienfaiteur dévoué et malfrat teigneux. Réalisé par Donal MacIntyre, le John Paul Lepers d'outre-Manche, A very british gangster est un film d'envergure, qui dresse un portrait contrasté de ce gangster rococo.
Il est désormais impossible de mettre en doute la crédibilité de films comme Les affranchis : ils existent bien, ces mafieux au coeur d'or qui n'hésitent pas à se déplacer en personne pour régler des querelles de voisinage et faire office d'assistante sociale. Nourri par les films de gangster autant qu'il les nourrit lui-même, Noonan est un type fascinant, qui virevolte sans arrêt entre la légèreté la plus totale et une colère de tous les instants ; un homme qui se fait respecter partout sauf dans son propre foyer, et qui voit les siens disparaître un à un, trop fragiles pour ce monde sans pitié. C'est par ces incessants mouvements de va-et-vient entre la légende mafieuse et la réalité du monde que A very british gangster emporte l'adhésion.
MacIntyre a visiblement souhaité faire un vrai objet de cinéma : son film est très léché, et ce jusqu'à l'excès, puisque certaines séquences semblent clairement mises en scène. Quant à l'accompagnement musical, dominé par les Mancuniens d'Oasis, il est carrément too much, lorgnant fâcheusement vers les films de Guy Ritchie. Mais tout ceci, mêlé à cet accent si délicieux pour l'oreille, contribue finalement à faire de A very british gangster un film very, very british, le documentaire à voir rapidement avant qu'il ne soit happé par les programmations estivales.
7/10
(également publié sur Écran Large)