L’épopée de notre protagoniste n’est que façade derrière laquelle le scénariste a, oh combien réussi d’ailleurs, construit une intrigue beaucoup moins légère (pour reprendre le terme) que les débuts du premier tome ne le laissait envisager. Religion et pouvoir, la BD transpose une problématique tout à fait d’actualité dans un univers moyenâgeux cohérent. A Bramhalem, le peuple adule le prophète Jésameth, celui qui jadis traversa l’impénétrable océan infesté de sirènes tueuses pour aller demander l’aide des dieux. Tout va pour le mieux dans la vie d’Alim, hors-caste (entendez par là classe inférieure, dénuée de droits civiques) chargé de recycler le corps sans vie des ces fameuses sirènes lorsqu’elles s’échouent sur la plage, jusqu’au jour où les entrailles de l’une d’entre elles lui apporte les reliques du prophète. Jésameth n’aurait donc jamais réussi à traverser l’océan, la croyance du peuple repose sur des mensonges. Le destin va s’acharner sur Alim puisque sa fille, Bul, va commettre l’irréparable en perturbant une cérémonie religieuse, ce qui sera considéré comme un blasphème puni par la peine de mort. Nos protagonistes sont contraints de fuir pour échapper à leurs bourreaux.
La narration est parfaitement maitrisée. On assiste successivement à l’exile des hérétiques et aux conquêtes militaires menées par les fervents fidèles de Jésameth dont le but est d’accroître l’étendue de leur royaumes et d’imposer leur croyances. Manigances, trahisons, conflits entre hommes au pouvoir et religieux, l’histoire, très prenante, ne cache pas la volonté des auteurs de démontrer que religion peut être synonyme de danger et d’atrocités, lorsqu’elle sert les intérêts de ceux qui ont le pouvoir entre leurs mains. Dommage toutefois qu’on ressente (il me semble) que l’Islam soit clairement visé. Les noms, les traits des personnages, la culture, l’univers pertinent créé, en sont une preuve. Mais outrepassée cette petite remarque, on dévore la BD, planche après planche, avec grand plaisir. L’histoire est riche et variée, porteuse d’un message qu’il appartiendra à chaque lecteur d’analyser.
Les dessins ne sont au final pas non plus en reste. Le choix des couleurs est judicieux, elles sont ne sont jamais agressives. Si certains décors sont vides, certaines planches sont très détaillées. On s’amuse à scruter ces dernières et on apprécie l’effort de créativité (bestiaire, architecture de certains lieux, diversité des environnements). Les personnages sont expressifs et selon les cas plus ou moins charismatiques. Les dialogues sont plutôt bien mises en scène et les tueries paraissent très réalistes (cf. tome 2, jouissif !). Il y a donc de l’hémoglobine, mais pas en abondance, juste ce qu’il faut pour rappeler que Alim le Tanneur n’est pas un conte des mille et une nuits…
Inutile d’en dire plus, Alim le Tanneur a été pour moi une véritable surprise, pour ne pas dire une révélation (jugement basé sur les 3 premiers tomes sortis, lus d’une traite). Alim le Tanneur contient tous les éléments que j’aime retrouvé dans une BD : univers cohérent, histoire prenante dont l’intérêt ne limite pas seulement à son intrigue mais aussi à ce qu’elle dégage, jolis dessins, personnages attachants…
A lire !
Verb Al'Kint