Tilly a écrit cette pièce il y a vingt-ans et pourtant elle est toujours autant d'actualité...
Annick Nedelec, jeune femme d'une quarantaine d'année, bretonne d'origine, vit une vie solitaire, monotone et toute réglée entre son boulot de secrétaire dans une petite entreprise et son appartement de Chinatown, réplique parfaite de la maison familiale bretonne dans laquelle elle repart passer tous ces week end en compagnie de sa mère. Rien ne laisse place à l'imprévu.
Dès la première scène on est plongé dans l'univers d'Annie, dans cet appartement qui est l'illustration parfaite de sa personnalité, méticuleusement propre, rangé, organisé jusqu'aux sachets de papier conservés dans le placard, la poupée bretonne sur le lit et la touche d'excentricité dans cet univers exclusivement breton, le poster de Julio Eglesias dont Annie est fan. Pourtant, un dimanche soir, elle reçoit une amie d'enfance native de son village qu'elle n'a pas revue depuis des années et à qui elle doit transmettre une lettre.Pendant quelques minutes, on assiste au quotidien d'Annie, à son retour de week end et à la préparation de l'apéritif. On vit sa profonde solitude, lorsqu'elle met le haut-parleur pour continuer à parler à sa mère à peine quittée et qui lui recommande de mettre sa belle robe rouge pour accueillir Henriette...
Henriette rebaptisée Alexane, fait son apparition dans ce petit appartement, hymne "kitchounet" à la Bretagne. Archétype de la comédienne parisienne qui vivote d'un rôle à l'autre, et qui a renié toutes ses origines, elle invite son ami Jean-François à venir la chercher. Jean-François qui lui, journaliste bobo, branché, très parigot, est exaspérant, totalement imbus de sa personne.
Alors qu'Annie leur propose de descendre sous la pluie battante, chercher leur paquet de cigarettes; les deux compères, dans leur indifférence et profonde méprise, s'esclaffent entre deux rails de coke, de cette petite vie qu'ils jugent médiocre et pathétique. Et les voilà, entrain de fouiller dans les affaires d'Annie.
De l'intolérance et du manque d'ouverture d'esprit nait la bétise et la cruauté, une cruauté qui peut toucher en plein coeur et conduire à une situation dramatique...
Ici, Henriette-Alexane, en pleine extase et concentration entrain d'écouter l'article de "son" Jean-François, une scène grotesque et savoureuse sur le petit milieu intello-artistico parisien.
Les acteurs jouent juste et hommage spécial à Gaelle qui joue le rôle d'Annick avec une implication totale et une profonde empathie pour son personnage. Pas de fausse note donc pour une pièce courte au rythme soutenu bien mise en scène et qui fait rire très souvent...jaune. Car on rit avec un voile mélé de gêne et de tristesse devant cette cruauté inconsciente qui met en exergue la pesante solitude et les disparités sociales. Et on songe au "goût des autres", on se dit que finalement loin des grandes théories gauchisantes ou réac, quelque soit leurs origines ou leur statut social, les "bons" sont ceux qui agissent avec le coeur ,loin des apparences et autres futilités amères et navrantes des codes sociaux. Tilly est glaçant dans cette introspection minutieuse de la solitude et frappe fort dans la description des mesquineries de ces petites bourgeois bohèmes qui, à force d'égocentrisme, deviennent tout simplement grotesques et terriblement fades.
On reconnait souvent les meilleures pièces par l'intemporalité des thèmes qu'elles abordent; la pièce de Tilly en fait partie et cette adaptation est une réussite.
Pièce mise en scène par Eric Guerrin
Avec Gaëlle Merle, Géraldine Brandaro, Xavier Irigoin et la voix de Jacqueline Jehanneuf
Infos pratiques pour y aller sans tarder !
"Les trompettes de la mort" de Tilly du 9 septembre au 12 octobre
Au Petit Hébertot - 78 bis boulevard Batignolle - 75017 Paris
Tarif : 22 euros, tarif réduit : 15 euros, tarif moins de 26 ans, 10 euros (mardi, mercredi, jeudi)
Location : 01 43 87 23 23