Bassin d’Arcachon, samedi 20 septembre 2008 plage boisée du Betey 14 h
Enterrement symbolique d’une plage boisée menacée par l’extension d’un port de plaisance
C’est marée basse, l’eau s’est retirée au loin et l’on ne voit plus qu’une immense plage de sable, un chenal rempli de vase au fond duquel coule encore le ruisseau : Le Betey. A l’horizon, perdus dans une brume de beau temps, les contours d’Arcachon.
Un bois de pins ourle la plage. L’air est un peu vif en ce début d’automne mais le ciel est limpide. Sous les pins, des jeunes gens habillés de noir pique-niquent. Un journaliste et un cadreur de FR3 sont là, des riverains, des « plagistes » arrivent. Une voiture de gendarmerie fait sa troisième apparition. Les représentants de différentes associations de protection de la nature (SEPANSO, NEBVA, Bassin d’Arcachon Ecologie, SURFRIDER FOUNDATION et d’autres) , Michel Daverat le représentant élu des verts, des élus se regroupent. Tout le monde est habillé en noir. Les arbres sont entourés d’un carton : des cartes postales fleurissent : les panneaux explicatifs sur la pollution maritime surgissent au pied des arbres.
Et bientôt un cortège se forme : on enterre symboliquement la plage boisée du Betey, condamnée par un projet d’extension de port de plaisance. Un cercueil figurant la plage boisée est porté par 4 surfeurs, portant le tee-shirt noir de Surfrider. En tête marchent Monsieur A qui se démène pour sauver son cher bassin, une vieille dame en épaisse robe noire et chapeau désuet , une rose à la main et monsieur V. de Bassin d’Arcachon Ecologie.
L’atmosphère est détendue mais la procession lente : difficile de marcher dans le sable surtout lorsqu’on n’a plus vingt ans ….
Depuis l’allée de la plage du Betey, longeant la limite du domaine maritime puis les pins condamnés, le cortège contourne le port, suit l’école primaire et s’enfonce sous les tamaris pour déboucher sur la plage de l’école, elle aussi condamnée à être largement amputée.
Le temps est magnifique. Le cercueil est déposé sur le sable et un à un les participants déposent dessus une poignée de sable ou une pomme de pin rongée par un écureuil, un jouet de plage, une plume, symboles de tout ce qui va disparaître si le projet abouti.
Une plagiste, seins nus se fait bronzer à côté. Elle paraît surréaliste et ne réalise pas que ses jours de quiétude sont comptés.
Puis alors que les 80 participants, usagers de la mer et du littoral expriment leur indignation devant ce projet d’extension du port de plaisance. Ils se retrouvent, échangent informations, impressions, se présentent mutuellement en se félicitant d’être là et déplorant l’absence d’un tel ou d’un autre. Les journalistes opèrent. Ce sont de vrais professionnels, simples, calmes et courtois.
Ils vont ensuite à la mairie interviewer, entre deux mariages, le maire d’Andernos sur ce projet d’extension. Ce dernier, pour la première fois, parlera de création d’emploi : combien d’emplois seront vraiment créés par un port situé au fond du bassin qui ne fonctionnera que deux mois par an ?
La voiture de gendarmerie fait un dernier tour.
Les manifestants se séparent en fixant la date de leur prochaine action symbolique. En cette période cruciale pour la protection de l’environnement, espérons que cet acte ne restera pas seulement symbolique et sera entendu dans les plus hautes sphères.
Note de situation :
Le bassin d’Arcachon situé sur la côte Aquitaine est un site remarquable, d’une grande beauté, comparable La Camargue ou le Mont Saint Michel.
Ce milieu, fragile, est en train de mourir
Les huîtres sont régulièrement interdites de consommation, les algues vivantes (la zostère) meurent provoquant un envasement du fond du bassin, et le nombre des bateaux à moteur de plaisance est très élevé (14000 pour 1000 bateaux de professionnels).
Les causes sont nombreuses, et l’on peut dire aujourd’hui qu’il y a un effet d’accumulation. L’ accroissement de la population induit une urbanisation et un bétonnage du littoral, la pollution de l’eau (produits chimiques d’origine agricole et industrielle, eaux du warf de la Salie, dépôt d’hydrocarbures) ne facilite pas la vie des microorganismes marins.
L’extension du port de plaisance envisagée à une époque où l’on ne se souciait ni du prix du pétrole, ni des impacts environnementaux, va pour 200 places en plus, supprimer 70 arbres, amputer la plage d’un tiers de sa surface et supprimer le lieu de détente de centaines de personnes de tous âges et de toutes conditions sociales qui se retouvent là toute l’année, et réduire considérablement l’aire de jeu des enfants de l’école proche.
A ces impacts sociaux se rajoutent des impacts environnementaux
modification du trait de côte pouvant accentuer les phénomènes d’érosion côtière
augmentation du trafic maritime et du trafic routier
pollutions induites (émissions de gaz à effet de serre, peintures anti-fouling, rejet des eaux noires et grises, rejets illicites, pollution sonore).
C’est pour protester contre cet acte inqualifiable que l’association Surfrider Foundation Europe a, avec l’association locale :Le Betey, plage boisée à sauvegarder organisé une cérémonie d’enterrement de plage ce samedi 20 septembre 2008
Le bassin est à la croisée des chemins : devenir un lieu de plaisance à moteur, voir mourir tous ses ostréiculteurs et avec eux une culture typique et originale
Ou avec les efforts de tous rester un lieu magique, rencontre entre la nature, les oiseaux migrateurs, les ostréiculteurs et pêcheurs, et les urbains.