J’ai fait un cauchemar. J’en arrivais à la conclusion que la démocratie, par ailleurs pire système à l’exclusion de tous les autres, ne fonctionne que si les gens sont cons. Opinion de beauf mais qui s’appuyait sur un certain nombre d’indices….
Quels indices ? Avoir élu un voleur-menteur dès 95, puis pire, alors que, même à droite, il ne manquait pas de candidats un peu plus recommandables.
Autre indice ? Se laisser séduire par des « coups de com.»: la fracture sociale, l’insécurité, « travailler plus pour gagner plus », … Il est vrai que ces « coups de com. » étaient relayés, que dis-je relayés, martelés obsessionnellement par l’écrasante majorité des médias.
Toujours dans ce délire, je m’expliquais que la gauche, auparavant, pouvait s’appuyer sur quelques idées simples: meilleur niveau de vie pour les plus défavorisés, plus de libertés, un approfondissement des mécanismes démocratiques, la justice sociale, des investissements dans l’intelligence et la vie culturelle, et surtout la transformation sociale par des réformes qui ne soient pas des régressions.
La gauche, à l’époque, sachant que ces valeurs simples ne faisaient pas le poids face à celles déversées par les médias, envoyait ses militants sur le terrain, aidant les gens à s’organiser pour de meilleures conditions de vie, expliquant, expliquant, expliquant encore que la recherche de solutions individuelles devait se compléter d’actions collectives sous peine d’être balayée par les libertés des plus favorisés.
Et puis, toujours dans mon sommeil, j’ai vu peu à peu, vraisemblablement sous l’influence de la prise de conscience subite de la connerie intrinsèque des électeurs, ces idées simples et ces comportements élémentaires disparaîssaient. Comme me le répétaient certains de mes amis de gauche, « mais les choses ont changé ».
Depuis, toujours dans mon cauchemar, la gauche a bien réagi, plus de militants sur le terrain mais des élus pratiquant le « communiqué de presse » et tous fiers d’un bref passage à FR3 ou d’un entrefilet dans Nice-Matin. Plus de défense des valeurs mais des shows avec des pauses à la Chantal Goya: « ce type de communication nous fait entrer dans la politique du 21ème siècle », « nouvelle manière d’attirer les gens à la politique » comme le dit un blog local qui enchaîne: « Ségolène au Zénith, seule en scène, a cherché au contraire à faire passer le message qu’un autre monde est possible, que l’espoir doit renaitre, qu’il faut que les gens résistent et se redressent ».
Le commentaire de Libé m’a fait chaud au coeur: « Car Ségolène Royal, qui a maintes fois répété sa performance sur la scène du Zénith et même chez elle, dans la nuit de vendredi, ne lésine pas pour mettre sa personne au centre. Et en scène. A la manière d’un stand up : sans notes ni pupitre, mais avec deux discrets prompteurs, elle se déplace, soigne le jeu de jambes. Les fidèles, eux, communient, les yeux embués. La flashent au portable. Et scandent des «Ouais !» à chaque phrase, comme dans une église noire de Harlem. «Elle met en avant la vérité»,«C’est Jeanne d’Arc !» … s’extasie Brigitte, 42 ans, secrétaire”. J’étais rassuré, la gauche revivait l’aventure d’un Christ persécuté et renouait avec un culte de la personnalité oublié depuis Staline et Mao Tse Toung, heureusement préservé en Corée du Nord..! Alleluia! La rénovation était à nouveau en marche au PS, comme on l’avait vu aux dernières présidentielles.
Plus sérieusement, m’étant réveillé, je me suis rappelé qu’on dit traditionnellement qu’une démocratie a les dirigeants qu’elle mérite. En lecteur attentionné d’E. Morin, je crois aux effets d’une boucle récursive inhérente à toute communication. Je propose qu’on rajoute qu’en démocratie, les électeurs ont tendance à se répondre par leurs comportements aux attentes des candidats surtout si ces derniersutilisent tous les même stratégies.
Comme le disait le révérend J. Belknap (cité par F. Braudel) commentant, à l’époque, l’accouchement de la Constitution américaine: “Qu’on laisse debout comme un principe le fait que le gouvernement tire son origine du peuple, mais obligez le peuple à bien penser qu’il n’est pas apte à se gouverner lui-même”.
A lire: “Nicolas Sarkozy, l’illusionniste mis à nu: Le chômage repart fortement à la hausse. Le projet de budget 2009 consacre la dérive des déficits publics. Tous les engagements de campagne du candidat Sarkozy partent en fumée. Seuls restent de grands discours sans conséquences”. Par Eric Dupin, dans Marianne: “La dégradation de la situation de l’emploi est certes la conséquence du ralentissement de la croissance économique. Mais elle a été encore aggravée par le régime favorable aux heures supplémentaires – qui incite les employeurs à faire « travailler plus » leurs salariés plutôt qu’à embaucher – instauré au début du quinquennat sarkozyste”. Le fait que l’augmentation du chômage touche pour partie importante les intérimaires conforte cette analyse.
- Cela fait quelques semaines que je pense que la crise financière sera gigantesque et longue. Il semble qu’avec le vote de la Chambre des Représentants US hier soir, cela s’accélère.