Le magazine Terre sauvage – associé à Réserves Naturelles de France, au WWF, à la LPO et à l’UICN – publie, pour la troisième année consécutive, un baromètre de la nature. Il est complété, cette année, par un sondage IFOP sur le bilan des Français un an après le Grenelle de l’environnement. Une enquête fort intéressante!!
L’an dernier j’avais assisté à la présentation des indicateurs du baromètre et avais trouvé très instructif la manière d’évaluer l’état de notre biodiversité, et de voir de manière précise où nous en sommes… Le terme “biodiversité” est en effet très large, et ce baromètre permet d’en savoir plus de manière très concrète. Je n’ai pas pu me déplacer pour assister à la présentation de la version 2008 du baromètre, mais Ecolo-Info a réussi à obtenir quelques infos en avant première!
Peu de différences avec le baromètre 2007
Le baromètre est réalisé avec des données officielles: une sélection d’indicateurs permet de saisir l’état de la nature et d’attribuer un note, par grand thème.
Avec un 6/20, il apparaît qu’une bonne partie des habitats et des espèces sont dans un mauvais état de conservation: l’état des habitats permettant en effet de juger de l’état de santé des espèces, cet indicateur est crucial. Or le dernier bilan, tiré d’un rapport réalisé au titre de la directive Habitats, n’est pas vraiment encourageant… “La majorité des habitats ne sont pas en bon état dans les régions atlantique et continentale, car ce sont essentiellement des zones de plaine où l’urbanisation et les activités humaines sont concentrées. La situation en régions alpine et méditerranéenne est meilleure, mais le pourcentage d’habitats en mauvais état y reste élevé, certains secteurs étant encore soumis à de fortes pressions, telles les stations de ski“, explique Maxime Paquin, de France Nature Environnement, dans l’article de Terre Sauvage où tous les facteurs sont passés à la loupe.
Terre Sauvage - Octobre 2008 -n°243 - Cliquez sur l’image pour l’agrandir
Pour l’eau et l’air, c’est guère mieux avec un 7/20. Les raisons? Pour l’eau, la persistance de nombreux polluants chimiques (PCB, nitrates, pesticides) dans les eaux de surface, la présence de polluants microbiologiques dans les eaux côtières. Pour l’air, la dangerosité des particules de poussière et l’augmentation prévisible de la concentration en ozone. Ainsi que l’explique Bernard Rousseau, responsable des politiques Eau à France Nature Environnement, “les pollutions urbaine et industrielle ont fortement diminué. Le problème numéro un, c’est l’agriculture“. Il y a bien du mieux, entre 2006 et 2007, dans les bassins Loire-Bretagne et Adour-Garonne pour les nitrates ou dans les bassins Seine-Normandie et Loire-Bretagne pour les pesticides. Mais “la variabilité de l’utilisation et des dosages, souvent liée à celle du climat, est telle d’une année sur l’autre que seule une tendance sur plusieurs années serait représentative, met en garde Bernard Rousseau. Or sur le long terme, la situation ne s’améliore pas“.
Terre Sauvage - Octobre 2008 -n°243
La décision du ministère de l’Agriculture d’interdire 30 substances actives de pesticides à la fin de l’année constitue un premier pas pour le plan Ecophyto 2018 (le plan vise la suppression des 53 molécules les plus dangereuses et la réduction de 50 % de l’usage des pesticides d’ici dix ans), mais la recrudescence des ventes de substances phytosanitaires en 2007 et l’autorisation, début 2008, de l’insecticide Cruiser, dont les effets nocifs sur les abeilles sont démontrés, vont à l’encontre de ces objectifs précise l’enquête de Terre Sauvage.
Terre Sauvage - Octobre 2008 -n°243
Enfin, seule la note « territoires/espaces protégés » change : elle baisse d’un point, passant de 14/20 à 13/20. Seulement 1 % du territoire national est sous protection réglementaire, malgré les belles avancées de 2007 (création de deux parcs nationaux et du premier parc naturel marin) et l’augmentation de 17 % du budget des réserves naturelles.
Terre Sauvage - Octobre 2008 -n°243
Créer de nouvelles réserves naturelles peut être nécessaire, mais, pour Jean-Philippe Grillet, directeur de Réserves Naturelles de France (RNF), le pari est ailleurs: “Nous devons faire évoluer les réserves pour qu’elles soient aussi des outils pédagogiques et d’aménagement du territoire, qu’elles ne constituent pas des exceptions mais servent aussi d’exemples, par les modes de gestion des milieux notamment.” Bref, qu’elles ne soient plus uniquement des sanctuaires souligne Terre Sauvage. Leur création demande des moyens, et les espaces sanctuaires ne sont pas la panacée. “Seuls, ils ne suffiront pas à conserver la biodiversité. Il faut désormais les connecter. On a les perles mais, pour faire un collier, il faut les relier entre elles!”, explique Jacques Trouvilliez, directeur du service du Patrimoine naturel au Muséum national d’histoire naturelle.
Concernant les espaces marins, en plus des sites Natura 2000, quatre parcs marins sont en projet (lagons de Mayotte, estuaires de la Somme et du Nord-Picardie, Côte vermeille, estuaire de Gironde et Pertuis charentais). Mais les pressions sur le littoral restent très fortes, à l’image de ce qui se passe sur le reste du territoire où l’artificialisation continue d’engloutir en surface l’équivalent d’un département tous les dix ans. Zones urbaines et industrielles se développent au détriment des espaces naturels et agricoles. Sans compter divers projets autoroutiers alors que, suite au Grenelle, notre ministre de l’Environnement avait déclaré : “Nous n’augmenterons plus de façon significative les capacités routières et aéroportuaires” conclue l’article de Terre Sauvage…
Le Grenelle? Hum… comment dire…?
Parmi les enseignements du sondage effectué par l’IFOP pour ce numéro de Terre Sauvage, on peut souligner que :
- deux Français sur trois ont perçu le Grenelle comme important ;
- un Français sur cinq seulement juge “plutôt efficaces” les décisions prises pour la protection de la biodiversité et des ressources naturelles…
Pour 72 % des français, il y a aujourd’hui moins d’hirondelles qu’il y a dix ans (4 % estiment qu’il y en a plus, 23 % qu’il y en a autant). Trois Français sur quatre jugent également qu’il y a de moins en moins de papillons. Et 58 % trouvent qu’on voit de moins en moins de coquelicots. L’ennui, précise la revue, c’est qu’ils ont raison ! La population d’Hirondelle est en déclin et la population de papillon diminue à mesure que s’accroît l’urbanisation.
Terre Sauvage - Octobre 2008 -n°243
Les Français sont donc conscients que la biodoversité française disparaît, symptômes d’une dégradation plus générale: “si la démographie s’effondre chez les papillons, c’est en partie parce que leurs habitats sont détruits. Et si les hirondelles ne se bousculent plus pour annoncer nos printemps, c’est qu’on leur chipote le gîte et le couvert : hangars murés, combles « aménagés » ou territoires artificialisés ne leur laissent pas beaucoup d’endroits où nicher ; quant aux insectes dont elles font leur pitance, ils ne résistent que rarement aux méthodes de l’agriculture industrielle“.
Le Grenelle de l’environnement, qui va bientôt fêter ses un an, a, dans ce contexte, été perçu comme « très important » par 2 français sur 3 (18 % du panel) ou « assez important » (46 %). Un pourcentage a relativiser pour les partisans de l’extrême gauche dont les deux tiers estiment que le Grenelle a constitué un événement « peu important » (42 %) ou « pas important du tout » (23 %). “Le bréviaire gauchiste étant muet sur l’érosion de la biodiversité ou l’épuisement des ressources naturelles, ces questions sont sans doute réputées suspectes. Cours, camarade, les vieilles idées sont derrière toi…” commente la revue…
Terre Sauvage - Octobre 2008 -n°243
Au-delà de ces chiffres, il semblerait qu’en matière de protection de la biodoversité et des ressources naturelles, les Français sont plutôt insatisfaits: un sur cinq seulement (19 %) juge « plutôt efficaces » les décisions prises au Grenelle dans ce domaine ; 24 % jugent les décisions « plutôt inefficaces » et 57 % n’en savent rien. “Bref, pour plus de 80 % d’entre nous, le retour des hirondelles n’est pas pour demain…“
Sur les autres thèmes, et notamment les OGM, les Français ne sont clairement pas contents: seuls 22 % d’entre eux sont satisfaits des décisions du Grenelle, qu’ils jugent « plutôt efficaces », 30 % sont d’un avis contraire et 48 % ne savent pas. “Une loi issue du Grenelle a pourtant été votée dans ce domaine” rappelle Terre Sauvage, mais “le projet défendu par le sénateur Jean-François Le Grand et la secrétaire d’État Nathalie Kosciusko-Morizet a été fortement édulcoré par les parlementaires de l’UMP”.
Les opinions sont un peu plus favorables au sujet de l’agriculture biologique ou la réduction de l’utilisation des pesticides (30 % des Français jugent les décisions prises « plutôt efficaces ») et nettement convaincus en ce qui concerne les économies d’énergie (40 % jugent « plutôt efficaces » les décisions prises sur ce sujet). Mais dans l’ensemble la sensation d’incomplétude des mesures domine.
Et moi et moi et moi?
Pour agir sans attendre, les français sont majoritairement prêts à privilégier les transports en commun et à se déplacer à vélo (oui à 69 %). Un engouement qui touche toutes les tranches d’âge : 79 % des moins de 35 ans se disent prêts à l’adopter, et 70 % des 50-64 ans. Seuls les plus de 65 ans lèvent un peu le pied, mais ils sont encore 48 %, tout de même, à plébisciter la bicyclette souligne la Revue. En ce qui concerne l’alimentation version bio, 69 % des personnes interrogées s’y disent prêtes… mais ce résultat cache une évolution moins flatteuse : à la même question posée en mai 2001, 41 % des sondés répondaient « oui, certainement », alors qu’ils ne sont plus aujourd’hui que 34 % à le faire relève le magazine.
Les français sont prêts à consommer mieux, à condition de ne pas dépenser plus. Ils se laisseraient plus tentés par une petite voiture électrique qu’avant, et 36 % des Français affirment que la préoccupation de la nature et de sa protection entre fortement en ligne de compte dans leurs choix de produits ou de services offerts par les entreprises, soit 6 points de plus qu’il y a un an!
Mais la proportion de ceux qui ne s’en préoccupent pas ou peu dans leurs comportements d’achat augmente elle aussi : 26 % contre 23 %. Entre les deux, la part de ceux qui « commencent à y réfléchir de plus en plus » se réduit, logiquement, de 48 à 37 %. On choisit donc son camp peu à peu…
++ Liens ++
- http://www.terre-sauvage.com/
- Ecophyto 2018