Le narrateur de ce livre est un être au premier abord peu aimable. Ancien soldat violeur de l'Armée Rouge à la fin de la deuxième guerre mondiale, macho, violent, cynique, misanthrope.
Au début du roman, il est sur un bateau qui remonte le Ienisséï, il retourne en 2004 dans le goulag où il avait été interné après la guerre. Il y avait retrouvé son demi-frère, Lev. Idéaliste, pacifiste, non-violent, poète. Mal armé pour survivre dans ces conditions. Et de plus en violent contentieux avec le narrateur, puisqu'il a épousé la femme qu'ils aiment tous les deux et qu'ils aimeront toute leur vie.
Mais la relation entre les deux frères survit à tout ce qui pourrait les dresser l'un contre l'autre, dans ces conditions inhumaines et ces situations historiques brutales, pendant les quarante ans qui sont racontés de ces vies et de ce triangle amoureux.
Le livre prend la forme d'une longue lettre, adressée à la fille adoptive du narrateur, qui vit en Occident. Pour lui expliquer ce qu'il a vécu mais aussi pour la faire plonger dans cette fameuse âme russe dont la littérature a fait si grand cas jusqu'à nos jours.
Parce qu'Amis a envie de se colleter avec les maîtres russes. Un érudit pourrait faire un recensement riche des noms, des citations cachées, des allusions à la littérature russe. Comme si ce chaudron cauchemardesque qu'a été l'URSS, ses morts, ses déportés, avec ses échos du passé et ses prolongements d'empire (la question de la Tchétchénie et la prise d'otages de Beslan évoquée dans le livre) était une matière première idéale pour le sarcastique, désespéré, caricatural Martin Amis, et pour sa dénonciation de l'absurdité de la vie.
Martin Amis, La Maison des Rencontres, Gallimard