Vous en avez assez des livres à peine ouverts-déjà refermés ? Ce pavé est pour vous. Inséparables sur les bancs de l’école, Bobby et Lucy ont pris des chemins d’adulte aux antipodes. Robert Noonan est parti vivre sa passion, la peinture, loin de Thomaston,petite ville de l’Etat de New York ; Louis Charles Lynch a repris l’épicerie familiale, épousé Sarah et n’a jamais quitté les Etats-Unis. Aussi c’est une révolution lorsqu’il concède de se rendre à Venise, où s’est exilé Bobby. A travers eux, Russo explore deux vies : l‘une donjuanesque d’un artiste passionné et l’autre, ordinaire, d’un sédentaire dévoué. Avec la patience d’un créateur amoureux, le fabuliste dissèque les comportements et les arbres généalogiques. Le pont des soupirs, — qui sous la République de Venise, menait au palais des Doges et résonnait des soupirs des prisonniers enfermés sous les plombs —, devient la métaphore mélancolique du temps qui s’échappe : aux plaintes des prisonniers privés de liberté font écho les regrets, les amours perdus et les espérances de Bobby, Sarah et Lucy. Qu’avons-nous fait de nos vies ? Une oeuvre.
"Le pont des soupirs", de Richard Russo, traduit de l'américain par Jean-Luc Piningre, Quai Voltaire, 736 p., 25 euros.