Le génocide, une invention française

Publié le 29 septembre 2008 par Ferner

Nicolas Sarkozy, alors candidat à l'élection présidentielle tient à Nice, le 30 mars 2007, les propos suivants : " Je suis de ceux qui pensent que la France n’a pas à rougir de son histoire. Elle n’a pas commis de génocide. Elle n’a pas inventé la solution finale. Elle a inventé les droits de l’Homme et elle est le pays du monde qui s’est le plus battu pour la liberté. " Le 7 novembre 2007,avant la fin de la session parlementaire, les députés Lionnel Luca, Hervé de Charette, Laure de la Raudière, Alain Moyne-Bressand, Jean-Frédéric Poisson, Jacques Remiller et Francis Saint-Léger, déposent un projet de loi qui comporte un seul article : " La République française reconnaît le génocide vendéen de 1793-1794. "

Cette action ne provient pas de royalistes "ultras" mais de députés de la majorité non originaires de la Vendée à l'exception de Hervé de Charrette (descendant indirect du Chevalier de Charrette qui s'opposa aux troupes de l'armée révolutionnaire), qui n'est pas à l'origine de cette initiative, ne faisant que s'y rallier. Évidemment, les médias ont passé totalement sous silence cette initiative parlementaire. Il est vrai que la guerre de Vendée a toujours été présentée comme telle et jamais comme une entreprise systématique d'éradication d'une population. C'est ce que démontre l'historien Reynald Secher dans son ouvrage paru en 1986 et réédité en 2006: "La Vendée-Vengée : le génocide franco-français", appuyé par Jean Meyer (auteur de la préface), Pierre Chaunu et Jean Tulard et pour qui la guerre de Vendée est un génocide, qui est non seulement le premier de l'Histoire mais l'archétype de tous ceux qui ont suivi; il fit, entre autres, l'objet d'une étude approfondie de la part de Lénine lors de son séjour en France. Et lorsqu'il fut au pouvoir en Russie, il désigna par le terme de "Vendée "  les zones où il y avait des gens à exterminer. Cependant, quelle est la différence entre massacre et génocide ? Pour répondre à cette question, nous reprendrons l'exposé des motifs donnés par les députés signataires du projet de loi :

" La définition du terme « génocide » établie par le tribunal international de Nuremberg est la suivante : « On appelle crime de génocide la conception ou la réalisation partielle ou totale, ou la complicité dans la conception ou la réalisation de l’extermination d’un groupe humain de type ethnique, racial ou religieux ». Notre code pénal (art. L. 211-1) en donne quant à lui la définition suivante : « constitue un génocide le fait, en exécution d’un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux, ou d’un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire, de commettre ou de faire commettre, à l’encontre de membres de ce groupe, l’un des actes suivants: atteinte volontaire à la vie; atteinte grave à l’intégrité physique ou psychique; soumission à des conditions d’existence de nature à entraîner la destruction totale ou partielle du groupe; mesures visant à entraver les naissances; transfert forcé d’enfants. » Ces définitions correspondent parfaitement aux actions menées par la convention à partir du 1er août 1793. À ceux qui ne manqueront pas de rétorquer que la population de la Vendée militaire ne constituait pas à proprement parler un groupe ethnique, signalons que l’adjudant général Hector Legros considérait en l’an III que «le pays que nous appelons Vendée est formé de la presque totalité de la Vendée, de la moitié des Deux-Sèvres et du Maine-et-Loire et d’une grande partie de la Loire-Inférieure». Deux lois furent votées par la Convention en préparation du «génocide vendéen» : celle du 1er août 1793 : « Anéantissement de tous les biens… » et celle du 1er octobre 1793 : « Il faut que tous les brigands de la Vendée soient exterminés avant la fin du mois d’octobre : le salut de la Patrie l’exige ; l’impatience du peuple français le commande ; mon courage doit l’accomplir ». Le point de départ du génocide est le décret du 1er août 1793 voté sur proposition de Barrère de Vieuzac après un discours incendiaire : « Ici, le Comité, d’après votre autorisation, a préparé des mesures qui tendent à exterminer cette race rebelle, à faire disparaître leurs repaires, à incendier leurs forêts, à couper leurs récoltes et à les combattre autant par des ouvriers et des pionniers que par des soldats. C’est dans les plaies gangreneuses que la médecine porte le fer et le feu, c’est à Mortagne, à Cholet, à Chemillé que la médecine politique doit employer les mêmes moyens et les mêmes remèdes. L’humanité ne se plaindra pas; les vieillards, les femmes et les enfants seront traités avec les égards exigés par la nature. L’humanité ne se plaindra pas; c’est faire son bien que d’extirper le mal ; c’est être bienfaisant pour la patrie que de punir les rebelles. Qui pourrait demander grâce pour des parricides… Nous vous proposons de décréter les mesures que le comité a prises contre les rebelles de la Vendée; et c’est ainsi que l’autorité nationale, sanctionnant de violentes mesures militaires portera l’effroi dans les repaires de brigands et dans les demeures des royalistes.» (Gazette nationale ou le Moniteur universel du vendredi 9 août 1793, ancêtre du Journal officiel).

Le décret du 1er août 1793 relatif aux mesures à prendre contre les rebelles de la Vendée stipulait dans son article 1er que: «Le ministre de la guerre donnera sur le champ les ordres nécessaires pour que la garnison de Mayence soit transportée en poste dans la Vendée…» Article VI: « Il sera envoyé par le ministre de la guerre des matières combustibles de toute espèce pour incendier les bois, les taillis et les genêts.» Article VII: «Les forêts seront abattues; les repaires des rebelles seront détruits; les récoltes seront coupées par les compagnies d’ouvriers, pour être portées sur les derrières de l’armée et les bestiaux seront saisis.» Article VIII: «Les femmes, les enfants et les vieillards seront conduits dans l’intérieur. Il sera pourvu à leur subsistance et à leur sûreté, avec tous les égards dus à l’humanité.» Article XIV : « Les biens des rebelles de la Vendée sont déclarés appartenir à la République ; il en sera distrait une portion pour indemniser les citoyens qui seront demeurés fidèles à la patrie, des pertes qu’ils auraient souffertes.»

Ce décret, malgré une déclaration de bonne conduite («avec tous les égards dus à l’humanité»), était un véritable appel au meurtre, au vol institutionnalisé et à la déportation des non-combattants, ce que l’on pourrait qualifier de nos jours d’«épuration ethnique». Ce décret sera suivi par celui du 1er octobre 1793 – décliné sur le mode du discours de Caton auprès du Sénat romain («delenda est Carthago») : «Détruisez la Vendée, Valenciennes et Condé ne sont plus au pouvoir de l’Autrichien. […] Enfin chaque coup que vous porterez à la Vendée retentira dans les villes rebelles, dans les départements fédéralistes. La Vendée et encore la Vendée, voilà le charbon politique qui dévore le cœur de la République française; c’est là qu’il faut frapper.» Après la prise de Laval le 23 octobre, et la défaite républicaine d’Entrammes, le 26 octobre 1793, un nouveau décret daté du onzième jour du deuxième mois, portera que «toute ville de la République qui recevra dans son sein les brigands ou qui leur donnera des secours sera punie comme ville rebelle. En conséquence, elle sera rasée et les biens des habitants seront confisqués au profit de la république». Les mesures préconisées furent appliquées à la lettre par les représentants en mission auprès des armées et dans les départements. Le 9 frimaire an II (29 novembre 1793), le représentant Fayau écrit aux administrateurs du département de la Vendée : « Vous savez comme moi citoyens que les brigands appelés de la Vendée existent encore quoique on les aie tués plusieurs fois à la tribune de la Convention. […] Je vous engage à prendre les mesures les plus promptes et les plus énergiques pour que les armées catholiques et royales dans le cas où elles rentreraient dans la Vendée n’y trouvent plus qu’un désert. […] Il serait bon, citoyens, que des commissaires nommés par vous se transportassent de suite dans toutes les parties de votre département pour en faire retirer toutes les subsistances et pour faire arrêter tous les citoyens qui ont pris part directement ou indirectement aux troubles de la Vendée. Il faut purger la Patrie…»

En novembre 1793, le général Turreau est nommé commandant en chef de l’armée de l’Ouest avec la charge de faire appliquer le décret du 1er août. L’ordre de départ est donné le 21 janvier 1794, cette première phase sera appelée « la promenade militaire » alors qu’à cette date la Grande Armée catholique et royale n’est plus qu’un nom. Turreau divise l’armée en six divisions de deux colonnes chacune, qui ont pour mission de ratisser le territoire et d’exterminer la population. Ce sont les «colonnes infernales» qui vont se livrer au génocide des Vendéens. L’ordre du jour du général Grignon, commandant la 2e division est très clair : « Je vous donne l’ordre de livrer aux flammes tout ce qui est susceptible d’être brûlé et de passer au fil de l’épée tout ce que vous rencontrerez d’habitants. » Les rapports des généraux républicains commandant les Colonnes sont aussi particulièrement explicites : « Nous en tuons près de 2000 par jour. […] J’ai fais tuer (sic) ce matin 53 femmes, autant d’enfants. […] J’ai brûlé toutes les maisons et égorgé tous les habitants que j’ai trouvés. Je préfère égorger pour économiser mes munitions…» Le général Westermann, dans sa lettre à la Convention du 23 décembre 1793, suite à l’extermination des Vendéens ayant survécu à la Virée de Galerne à Savenay, précisait que: «Il n’y a plus de Vendée, citoyens républicains, elle est morte sous notre sabre libre, avec ses femmes et ses enfants. Je viens de l’enterrer dans les bois et les marais de Savenay. Suivant les ordres que vous m’avez donnés, j’ai écrasé les enfants sous les pieds des chevaux, et massacré les femmes qui, au moins pour celles-là, n’enfanteront plus de brigands. Je n’ai pas un prisonnier à me reprocher. J’ai tout exterminé.»

Lequinio, représentant du peuple dans la Charente et la Charente-Inférieure, est encore plus explicite dans sa lettre du 8 ventôse an II (26 février 1794): «Je crois que par séduction, argent, violence ou autrement, on avait pu s’emparer des chefs, il serait possible de n’exterminer que les étrangers, car quoique l’on puisse en croire, ce sont les hommes du pays même qui sont le moins dangereux; ils seraient réduits à l’instant s’ils s’étaient laissés à eux-mêmes; mais ce sont les prêtres, les nobles, les étrangers et les déserteurs mêlés au milieu de nous qui rendent leur réduction impossible. Il faut donc nécessairement les égorger tous. C’est le parti que facilite l’arrêté que mes collègues Garrau, Hentz et Francastel viennent de prendre, en faisant retirer dans l’intérieur de la république tous les réfugiés de ce pays, réduits au désespoir, ainsi que le sont les habitants de ce pays pervertis par les scélérats étrangers qui sont au milieu d’eux et qu’il n’eut pas été possible d’en séparer. Il est impossible maintenant qu’on use envers eux des moyens que l’on pouvait employer autrefois de concert avec la poursuite des étrangers. Il faut donc se décider à tout massacrer.»

Le décret du 2 ventôse an II (20 février 1794) ordonnait la déportation des innocents et des bons citoyens de manière à ne plus laisser dans les pays révoltés que «les rebelles que l’on pourra plus aisément détruire». " [...]" Les exemples cités supra montrent la volonté incontestable de la Convention d’anéantir une population; ce qu’explique en 1794 Gracchus Babeuf dans un pamphlet, "Du système de dépopulation ou La vie et les crimes de Carrier", dans lequel il dénonce les exactions commises par Jean-Baptiste Carrier lors de sa mission à Nantes, dont il affirme qu’elles renvoient à un système de dépopulation qu’il nomme « populicide ». Comme le mot « génocide », forgé par Lemkin en 1944, il est employé pour désigner une forme de crime dont l’appréhension est inédite, le meurtre de masse visant un peuple dont le seul tort est son origine ethnique, raciale, religieuse ou politique. Pierre Chaunu, historien et membre de l’Académie des sciences morales et politiques depuis 1982, n’a pas hésité à parler de génocide franco-français dans l’avant-propos du livre de Reynald Secher (cf. ouvrage cité plus haut) qu’il a signé: «Nous n’avons jamais eu l’ordre écrit de Hitler concernant le génocide juif, nous possédons ceux de Barrère et de Carnot relatifs à la Vendée.» Les moyens utilisés pour ce faire, rapportés notamment par Reynald Secher ou par Michel Ragon (1793, L’insurrection vendéenne et les malentendus de la liberté, Albin Michel, Paris, 1992), ont été nombreux: épuration par mutilation sexuelle, création du premier camp d’extermination de l’histoire moderne à Noirmoutier, premiers essais de gazage de masse (insuccès, dû au gaz employé et à l’absence de confinement), premières crémations avec les fours à pain et les églises (exemple de l’église des Lucs-sur-Boulogne où furent brûlés vifs 563 villageois), noyades collectives avec les «noyades des galiotes» ou en couples avec les «mariages républicains»dans la Loire, création au Ponts-de-Cé d’ateliers de tannage de peau humaine – peau dont se vêtissent les officiers républicains – et d’extraction de graisse par carbonisation des corps des villageois massacrés à Clisson. À force de tueries, des municipalités, pourtant républicaines, et des représentants du Comité de salut public finissent par s’émouvoir. Turreau est relevé de ses fonctions en mai 1794, puis décrété d’arrestation en septembre. Jugé en décembre 1795, il est acquitté à l’unanimité. " (Source : Assemblée Nationale, document n°387)

L'ultime caractéristique d'un génocide, c'est ce que Reynald Secher appelle le "mémoricide", c'est-à-dire le négationnisme : il faut faire disparaître les traces du crime : l'ampleur de toutes ces atrocités risquait de nuire à la république et c'est ce qu'on tenté de faire les révolutionnaires après la chute de Robespierre en procédant à la destruction systématique de tous les documents liés à ce crime contre l'humanité. Seulement, ils avaient oublié une chose, le contenu des ordres qu'ils avaient donné aux exécutants : ils avaient exigé pour contrôler leurs opérations que, chaque jour, il soit rédigé par le général, un rapport en deux exemplaires, l'un destiné au pouvoir politique, l'autre au ministère de la guerre qui conserva ces rapports (dont nous avons cité des extraits plus haut) au fort de Vincennes où il sont toujours actuellement, les militaires n'ayant jamais reçu l'ordre de les détruire. Par conséquent, les preuves du génocide sont irréfutables, et c'est le privilège de l'Histoire que de voir les évènements du passé tels qu'ils se sont produits dès lors qu'on est parfaitement documenté sur ces derniers, ce qui est le cas ici. Mais alors, pourquoi le génocide n'est-il pas comparable avec tous les massacres qui ont jalonné et continuent à le faire, l'histoire de l'humanité ? Nous l'avons montré à propos du rationalisme dans notre article, France, crise d'identité : "Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, un courant de pensée met l'homme au centre de l'Univers: il en est l'alpha et l'oméga. Cette philosophie exclut tout élément surnaturel et à fortiori métaphysique car l'homme est un être libre qui se gouverne par la raison qui par surcroît a pour objet de s'attaquer aux secrets de la nature."C'est d'ailleurs la caractéristique de toutes les idéologies (scientisme, marxisme, etc.) qui tirent leur origine du rationalisme. Il ne faut donc pas s'étonner que lorsque l'idéologie est au coeur du pouvoir politique, celle-ci débouche inévitablement sur le totalitarisme avec son cortège d'atrocités : ceux qui ne se soumettent pas doivent être exterminés ou mis au pas. Dans l'affaire vendéenne, les révolutionnaires ne se souciaient même plus de savoir qui était blanc ou qui était bleu : tuez-les tous et la république reconnaîtra les siens.

N'en déplaise à Nicolas Sarkozy, le génocide est une invention française qui a fait des émules chez Lénine, Staline, Hitler et autres Pol Pot. Ses propos sont emblématiques d'un négationnisme érigé en vérité officielle depuis plus de deux siècles alors que notre droit pénal le condamne en ce qui concerne la Shoah, laquelle marquera à jamais l'humanité d'une tâche indélébile par son étendue, sa durée et son horreur. Aussi serions-nous bien inspiré de balayer devant notre porte avant de donner des leçons à d'autres pays comme la Turquie à propos du génocide arménien reconnu par la loi française qui a "oublié" de reconnaître le génocide vendéen et qu'un groupe de parlementaires a rappelé à son bon souvenir.

P.F.