Quand Sarkozy fait, sur le perron de l'Elysée, une déclaration d’amour à Cécilia et à une de ses filles, (« belles les deux », il a raison…), on est dans quoi ? Dans le public ou dans le privé? Dans un moment d'Etat ou dans une confidence publique à caractère privé? Dans le jeu ou dans la sincérité? Dans une fête pour le peuple ou pour le people?« Nous voulons de la vie au théâtre et du théâtre dans la vie », remarquait Jules Renard...
Quand la presse s’amuse d’une photo souriante de Sarkozy ravi de dépingler la médaille de l’ordre du mérite sur une poitrine qui ferait triompher le sens tactile sur le bon sens, on est dans une forme d’irrespect ou d’humour ? Un homme d’Etat conserve son état d’homme. Les femmes aussi d’ailleurs,, heureusement.
Quand l’ami Jean Quatremer, sur son euroblog allongé, révèle (ou sous-entend) sur DSK quelques tendances sans lesquelles il aurait moins de charme mais avec lesquelles Anne Sinclair et nos diplomates doivent composer si ce gout pour les jupons est effectif, que fait-il ? Du journalisme d’investigation et de transparence ou des insinuations (diffamatoires?) de « fouille-poubelle » envieux des succès de la presse people? Attirer, c’est plus tirer vers le bas que vers le haut…La presse dite people (pipole) ne le montre que trop…
Quand Ségolène Royal, en femme outragée qui se sent harcelée, fait un procès à Match pour une photo de vacances bien innocente et sans intérêt, que fait-elle ?
Un geste d’autodéfense bien légitime (après d'autres "atteintes") même si cette « femme fatale » qui avait convoqué les caméras pour un accouchement a fait une partie de son chemin public en jouant (plus ou moins bien) sur le piano d’un marketing politico-médiatique qui implique une bonne dose de narcissisme pas toujours pudique ? Ou…de la pub (involontaire) pour l’hebdomadaire (en l’occurrence en panne d’inspiration) ? Ou de l’autopromotion par posture victimaire et imposture primaire ?
La « femme fatale » finit par rendre bien banal le recours aux avocats pour des causes qui font causer sans grande conséquence
Vie privée/vie publique…Malgré son tact et son sourire pudique, Mireille Dumas reflète, à sa manière, cet exhibitionnisme ambiant et galopant qui nous transforme tous (ou presque) en des pornographes de l’âme que Restif de la Bretonne ne pouvait imaginer…
« Si j’avais un secret pour concilier vie privée et vie publique, je le vendrais », ironisait Sean Connery… Cela n’est pas vrai que dans le spectacle, le cinéma, les média et la politique. Rassurons-nous. Avec Pierre Assouline : « Dès lors qu’on a une vie intérieure,on mène déjà une double vie ». Et avec Alphonse Allais : « la vie est comme on la fait ». Ou la défait.
Pendant que notre « peoplecratie » qui est aussi une « médiacratie » se chatouille l’épiderme avec ce type de faux événements, l’information essentielle de la semaine en matière de protection de la vie privée, donc de droits de l’homme et de Liberté n’a guère été commentée, sauf dans des cercles spécialisés où l’on sait ce que prêcher dans le désert veut dire.
La Commission nationale informatique et liberté a publié un rapport plus qu’accablant et plus qu’inquiétant. « Si vous croyez que le monde ressemblera un jour à celui de Big Brother, détrompez-vous… Vous êtes en plein dedans ! », lance son président en lançant une "alerte à la société de surveillance" que lance aussi la « Commission de Venise » du Conseil de l’Europe.
On apprend au passage que la CNIL est la commission de ce type qui en Europe dispose des moyens et des pouvoirs les plus faibles. Souriez, vous êtes filmés. L'oeil invisible nous regarde; Prenez garde, vous êtes fichés (avec des risques d'erreurs considérables) . Les disques durs nous emprisonnent.
Sachez-le: vous n’avez plus de vie privée. Réflexes sécuritaires et progrès technologiques : dans cette société liberticide à tendances totalitaires "soft", il y a vraiment plus grave qu’une photo anodine dans l’eau bleue d’une plage corse.
Au fait, on a peu entendu et Royal et les autres dirigeants socialistes sur ces atteintes constantes et générales à la vie privée. Il est vrai que notre « traçabilité » (comme on dit pour les bêtes d’élevage) est telle que notre portable nous localise, que notre ordi nous trahit, que nos cartes de paiement ou de crédit sont prêtes à nous discréditer, et que même en vélo dans les rues de Paris, une puce nous accompagne...
Mais, comme dit Sarkozy, il faut des règles pour jouir des plaisirs de la transgression…Michel Polnareff a raison de ne plus fuir le fisc aux USA et de ne plus afficher ses fesses sur les murs de Paris Il joue jouer gagnant en misant sur les gagneurs:"je vous dit merde, monsieur le Préséident, et on ira tous au paradis".
Un monde sans espionnage, le "paradis"? Chut! Dieu nous espionne tous depuis longtemps: on me l'a appris au cathéchisme...D'ailleurs, Adam n'a pas pu croquer la pomme d'Eve en cachette. Tout finit toujours par se savoir!
Daniel RIOT