Emotions et rationalité en sciences sociales
Pierre Livet /Philosophe. Les travaux de Pierre Livet s'inscrivent dans le cadre de réflexions
sur la philosophie de l'action. Il s'est intéressé aux limites de la
rationalité, aux rôles des croyances et des émotions.
Les sciences sociales, et surtout celles qui tentent une reconstruction
rationnelle des interactions des acteurs (l'économie, un certain type
de sociologie) ont longtemps considéré le rôle des émotions comme résiduel (Pareto), les émotions étant supposées irrationnelles.
Durkheim pourtant voyait dans les émotions religieuses la manifestation
des normes collectives.
Plus récemment, on note la convergence entre l'intérêt des
neurophysiologues et des psychologues (y compris cognitifs) pour les
émotions (Damasio, Frijda), et celui de chercheurs en sciences
sociales, comme Elster ou Frank, qui recourent aux émotions pour
expliquer comment des normes sociales peuvent nous porter à aller
contre nos intérêts. Mais recourir aux émotions pour expliquer ce que
notre conception étroite de la rationalité n'arrive pas à comprendre
risque de faire des émotions des mécanismes sans raison, ou qui
biaisent nos raisons.
Il faut donc montrer en quoi les émotions
font partie de la cognition, et comment elles s'articulent avec notre
rationalité. Il faut pour cela analyser la dynamique à long terme des
émotions. Elles semblent être des signaux d'alarme, nous avertissant
que nos attentes et désirs sont mal ajustés à la réalité qui nous
entoure, et que nous ferions bien de les réviser. Elles nous permettent
aussi de nous révéler à nous-mêmes celles de nos préférences qui sont
en nous des valeurs bien enracinées, celles que nous refusons de
réviser.
Emotions et rationalité en sciences sociales-Pierre Livet-une conférence à écouter sur Canal U- Emission du 27/10/02-