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Une blogueuse sachant bloguer doit pouvoir bloguer sans internet [16]

Publié le 28 septembre 2008 par Zappeuse

Privée de toute connexion internet pendant un temps qui s’annonce long, je stocke les notes dans les tréfonds du disque dur et vous les envoie au hasard de mes nomadisations wi-fi.

Samedi 27 septembre

Ragondins de Garonne (et devinette associée)

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C’était un soir ordinaire, de soleil à peine couchant : jamais je n’avais vu de ragondin dans la Garonne. Un hasard, sans doute. Jamais je n’avais vu autant de ragondins d’un coup, où que ce soit. Mais c’est que ça cavale, ces petites (et grosses) bêtes, et pour les photos, j’ai un peu souffert, n’osant pas poser le peton dans la vasière.
Rive droite, à deux pas d’un pont de Pierre verrouillé par les embouteillages du soir, les familles au complet batifolaient entre l’herbe tendre et l’onde d’un beige soutenu et opaque. Lorsqu’une dame qui passait par là a remarqué, non sans ironie, que ça ne se mangeait même pas ces animaux-là, je l’ai détrompée mais en vain : cette charmante dame n’a sembl
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e-t-il pas cru un traître mot de l’histoire, pourtant véridique, de ces Briérons, là-bas dans le grand nord des bords de Loire, qui transforment les rongeurs sapeurs de berges en pâtés à déguster en entrée en amoureux, en se sifflant une fillette de blanc.
Au fait, qu’est-ce qu’une fillette de blanc quand la personne qui pose la question n’est pas un pédophile xénophobe ? Laissez vos réponses dans la boîte à comm’. A bientôt.

Dimanche 28 septembre

Du bordeaux postclassique*

Faut se faire une raison : le réchauffement climatique est en marche, et tôt ou tard, plutôt tôt que tard d’ailleurs, le sud-ouest de la France aura le climat de l’Afrique du Nord, tandis qu’on cessera de skier dans les Alpes. Ce réchauffement a forcément un impact sur la viticulture, ce que le Courrier International du 25 septembre évoque, via un article qui a le mérite d’aborder, en une seule page, les grandes lignes du problème, et ce avec un humour fort british : c’est normal, l’article est une traduction du Guardian. Ce problème du réchauffement climatique préoccupe désormais suffisamment les viticulteurs pour que des conférences internationales traitent désormais du sujet : celle de 2008 s’est tenue lieu à Barcelone.

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Le problème n’a rien d’anodin : en gagnant seulement un à deux degrés d’ici 2050, certaines régions ne pourront plus produire les cépages ancestraux qui font de leurs vins des nectars uniques à forte valeur ajoutée (parce-que bien sûr, il n’y a pas que le goût dans l’affaire, il y a aussi un impact économique). Très concrètement, les bordeaux ne pourront plus contenir le fameux merlot qui forge leur caractère, celui-ci n’étant pas adapté à des conditions climatiques dignes du Maroc actuel. Or, les bordeaux rouges ont ceci de particulier que ce sont tous des vins de mélange : merlot plus un ou deux autres cépages (sauvignon, cabernet franc, le moins connu verdot, etc.). Sans le merlot, on boit autre chose. Du vin des Pyrénées par exemple : un petit producteur se lance dans la viticulture d’altitude, le raisin à vin n’étant finalement pas si ennemi que cela des conditions climatiques un peu difficiles (je pense là, mais je me trompe peut-être, aux vendanges tardives du Jura, où les grappes ne sont récoltées qu’après les gelées).
Cela se voit d’ailleurs déjà dans le degré alcoolique : là où des titrages supérieurs à 13,5° étaient il y a peu l’apanage des vins des grosses chaleurs, de certains côtes du Rhône (le Beaume de Venise rouge annonce gentiment son 14,5°, et ce sans pouvoir le moins du monde être confondu avec un gros rouge qui tache, loin de là) et globalement des vins méditerranéens, on voit aujourd’hui, à quelques kilomètres de La Réole, en Gironde, un vin d’une très grande qualité titrant quand même ses 14° sans autre forme de procès (et il est merveilleusement bon, il faut d’ailleurs qu’on pense à en réalimenter notre cave perso).
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Le problème va aussi se poser en Bourgogne, où l’incontournable pinot noir connaîtra le même sort funeste que le merlot bordelais. Et il ne restera plus à nos amis bourguignons qu’à se tourner vers la monoculture d’une autre spécialité locale : la moutarde. Il se pourrait bien que celle-ci leur monte au nez.
Dans l’histoire, il y aura des gagnants : les producteurs finlandais, dont j’avais narré ici les mésaventures, pourront enfin augmenter et commercialiser leur production. Il y a aussi, mais peut-être pour de toutes autres raisons à la base, des investisseurs qui ont placé leurs euros ailleurs, y compris de grands châteaux aux noms prestigieux (j’ai oublié lesquels, je n’ai plus l’article sous les yeux), qui ont investi récemment dans des vignobles de l’hémisphère sud, chiliens notamment, où, grâce à la plus grande présence des influences océaniques (c’est de la climato de base, je ferai un cours plus tard si c’est bien payé), les conséquences du réchauffement, à latitude égale, se feront moins sentir. Ça me rappelle aussi la réflexion d’un universitaire bordelais qui, au détour d’une conférence sur un tout autre sujet, nous avait dit que ce n’était sûrement pas un hasard si la société Axa avait vendu tous ses avoirs du Médoc pour placer ses billes en Hongrie. Reste à savoir si le magnifique tokaj tiendra le choc du coup de soleil !
Cette note doit modestement intéresser mes amis normands, qui doivent même sûrement se gausser, eux qui ne connaissent ni les joies du mildiou ni l’orage de grêle qui détruit la récolte de l’année en deux temps trois mouvements. Amis normands, bien heureux face à votre merveilleux cidre, vous aussi vous subirez le coup de chaud. Rira bien qui rira le dernier quand il faudra presser le cidre avec des bananes, parce-qu’on ne pourra plus planter de pommiers qu’à la lisière du cercle polaire !

* L’expression “vin postclassique” a été utilisée pour la première fois par un éminent œnologue, et citée dans l’article sur lequel je me suis appuyée pour écrire cette note.

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