Danse

Publié le 28 septembre 2008 par Marc Lenot

Tout en manquant de fondations solides en la matière (si quelqu’un a un séminaire à me suggérer…), je m’intéresse depuis quelque temps aux liens entre danse et art contemporain, qu’il s’agisse des grands Américains (Cunningham et Cage, Yvonne Rainer et Robert Morris) ou de Français contemporains, comme les Gens de l’Uterpan (à Bétonsalon il y a peu) ou les performances récentes autour de Swing à la Galerie des Galeries (ainsi Vanessa Le Mat).

 Au Centre Pompidou il y a quelques jours, j’ai assisté au spectacle parades & changes, replay, une chorégraphie de 1965 d’Anna Halprin, reprise par Anne Collod. Spectacle car nous sommes dans la salle, les danseurs sont sur scène (la plupart du temps) : moins de remise en cause de l’espace, des rapports entre danseurs et spectateurs que les exemples cités ci-dessus. Mais au début, sous les incitations d’un ‘chef d’orchestre’, les six danseurs, perdus dans la salle au milieu des spectateurs, vêtus identiquement de noir et de blanc, se lèvent et disent à la Perec ”Je me souviens..” dans ce qui devient une cacophonie ordonnée par les mains du chef qui soutiennent ici, rythment là, apaisent ailleurs. Le début du spectacle est rigide, formel, scandé, ordonné. Les danseurs se retrouvent sur scène, s’y déshabillent lentement, froidement, le regard vide, puis remettent leurs vêtements de manière toujours aussi dure et anérotique, dans une danse pure et dépouillée de toute fioriture. Cette nudité assumée fut la cause de l’interdiction de ce spectacle aux Etats-Unis après sa création en 1965 (photo ci-contre de 1965).

Les danseurs marchent alors de long en large, sur scène, dans la salle, leurs déambulations, d’abord brutales et cadencées, deviennent peu à peu flâneries, esquives, contournements, les regards deviennent plus présents; trois couples se forment, accrochés par les regards, les sourires esquissés, soudés par une nouvelle séquence de déshabillage face à face.  Celle-ci aboutit à un jeu primal où les six danseurs déchirent des rouleaux de papier kraft avec une frénésie infantile, animale; ils se roulent dans le papier avec volupté, déchaînement. C’est une longue séquence où l’énergie est extrême, la tension palpable, la rupture proche. Rassemblant les morceaux épars de papier déchirés pour s’en couvrir, les danseurs saluent.

Le spectacle continue avec d’autres séquences, celle du travestissement est un peu longue, celle où ils luttent avec de grandes bâches de plastique architecturant la scène développe à nouveau la même énergie vitale, la même occupation de l’espace qui semblent être la marque de cette pièce. La scène finale les ramène à nouveau nus face au public, chacun porteur d’un petit bol où ils et elles puisent de la peinture avec leurs doigts et s’en enduisent le corps, lentement, posément, s’habillant de couleur.

Un peu démuni pour analyser ce spectacle, fait de séquences en transformation, de contraintes maîtrisées, je ne peux que tenter de transmettre ici mon émotion devant sa force, devant sa dimension sensible et libertaire.  
Lire ici pour une analyse plus poussée.