Ségolène Royal a enfin engagé la modernisation de la forme de son expression. Mais, sur le fond, il est étonnant qu'en pleine crise financière, elle n'engage pas le "procès de l'administration Sarkozy" au pouvoir depuis plus de 5 ans pour l'essentiel des postes.
Le débat sur la crise financière en France se déroule dans un contexte assez irréel tant des idées reçues servent de postulat alors même que ces idées sont très éloignées de la réalité des faits.
Ainsi, il est actuellement question de la naissance d'une crise financière.
Cette crise est née dès février 2007. Ceux qui s'alarment actuellement ont déjà … plus de 15 mois de retard.
C'est en février 2007 que les défauts de paiements sur les crédits hypothécaires se sont multipliés et ont provoqué les premières déstabilisations d'établissements bancaires.
En juin 2007, la banque Bear Stearns a annoncé la faillite de deux fonds spéculatifs. En juillet 2007, la banque Allemande IKB a été mise en difficulté.
En septembre 2007, la Northern Bank en Grande-Bretagne a été confrontée à des retraits de panique.
Par conséquent, ce n'est pas la naissance de la crise mais une nouvelle étape d'aggravation de la crise.
Seconde interrogation actuelle, des établissements vont-ils passer à travers la crise ? La réponse souvent donnée est oui. Il est à craindre que là aussi la réalité soit différente.
La communauté financière a un comportement moutonnier structurant. Il vaut mieux "avoir tort avec tout le monde que prendre le risque d'avoir raison contre tout le monde". Ce raisonnement peut surprendre, c'est pourtant la seule explication pratique permettant de mieux comprendre certains aberrations de bulles qui emportent périodiquement toute la communauté financière.
Ce raisonnement est la protection des opérateurs qui peuvent ainsi se retrancher derrière la " faute commise par tous " pour échapper à des reproches spécifiques.
Dans l'actuelle crise liée à des méthodes spéculatives, il est certain que l'Europe n'y échappera pas mais qu'elle sera moins exposée que les Etats-Unis.
Cette moindre exposition n'est pas le fruit d'un choix en l'espèce mais des caractéristiques différentes de ces marchés.
La taille des fonds levés par l'économie spéculative en Europe n'est pas comparable à celle des Etats-Unis. Les rachats de positions représentent un pourcentage très faible de l'investissement en capital en Europe alors même que ce risque est très important aux Etats-Unis.
Troisième fausse idée reçue, cette crise serait à l'économie ce que fut par exemple l'éclatement de la " bulle Internet " au début des années 2000.
Là encore, cette appréciation ne résiste pas à l'examen des faits.
Ce qui est en jeu actuellement, c'est la confiance même dans les relations interbancaires. Certes, la banque peut être considérée comme un segment de l'activité économique mais ce n'est pas un segment comme les autres.
La visibilité sur le risque global réel est faible. Cette absence de visibilité va considérablement peser sur le mécanisme global du crédit.
Or, dès que ce mécanisme du crédit est fragilisé, c'est l'ensemble de la croissance qui est handicapée.
Par conséquent, la réalité matérielle actuelle des faits consiste à reconnaître que :
- nous sommes à une nouvelle étape d'une crise déjà ancienne,
- une étape importante mais non définitive,
- dans un schéma d'ensemble probablement imprévisible.
Au pouvoir pour l'essentiel depuis plus de 6 ans à des postes clefs, il est étonnant qu'hier Ségolène Royal n'ait pas tenté le "coup" de Barack Obama aux Etats-Unis face à McCain : transformer la crise financière en crise politique ?
Il est intéressant de voir qui va se saisir de cette "fenêtre de tir" en France et comment l'opinion réagira...