La course aura récompensé les attaquants. Toute l'après-midi, on aura vu les outsiders, tantôt espagnols, tantôt italiens, préparer le terrain à leur leader, en se plaçant dans de nombreux coups. Freire et Bettini étaient donc les deux grands favoris de ce Mondial, et ils étaient convenu qu'ils ne se montreraient pas avant le final, surtout pour le premier qui n'attendait qu'une chose : un sprint massif. Le second, Bettini, n'a pas fait preuve d'un grand sens tactique, lui qui disputait pourtant aujourd'hui sa dernière course chez les professionnels, après une longue et victorieuse carrière. L'italien, probablement nerveux, c'est en effet fait remarqué à 60km de l'arrivée, avec quelques accélérations qui, inévitablement, échouèrent. Une belle erreur, car il perdit inutilement des forces en attaquant sans but précis.
Les choses sérieuses ne débutèrent vraiment qu'à une cinquantaine de kilomètres de l'arrivée, après que Bettini ai donc amorcé la bataille. Un groupe se forme, avec J.Rodriguez et Garate pour l'Espagne, Ballan et Bettini entre autres pour l'Italie, Kolobnev en tant qu'électron libre, etc...Rapidement, on comprend que l'échappée a ses chances, et voilà Valverde qui sort du peloton, talonné par Cunego, pour rejoindre les hommes de tête. Pourrait-t-il s'agir du bon coup ? Cela aurait pu, mais on était alors probablement trop loin de l'arrivée...Le peloton, emmené les belges de Tom Boonen, croque quelques kilomètres plus loin ce groupe.
Néanmoins, si la distance restant à parcourir était trop grande, les hommes forts du jour étaient bien présents dans cette échappée, qui était en quelque sorte une première esquisse de ce qui pourrait être, au final, l'échappée gagnante. Du coup, on retrouve à peu près les mêmes coureurs ensuite à l'offensive : J.Rodriguez, Rebellin, Cunego...
Après de multiples tentatives, les infatigables attaquants, Rodriguez en tête, sont enfin récompensés à 25km du but, lorsque un groupe se reforme, avec dont "Quim" dedans, mais également Ballan (à l'initiative de cette échappée), Van Avermeat, et de nombreux autres bons coureurs. Derrière, on sait que ce qui se déroule est peut-être un tournant de la course ; Valverde, vigileant, se place même en tête de peloton quelques secondes, et reste ensuite dans les toutes premières positions. Il ne s'agit pas de louper le bon coup pour l'espagnol, lui qui sait qu'il devra se mettre au service de Freire si l'arrivée se joue au sprint ! Mais, malheureusement car ce coup-ci c'est le bon coup qui est devant, Alejandro ne sort pas du peloton...
Une petite dizaine de kilomètres passe. Ne reste plus qu'un tour (=17km), et le groupe de tête est toujours là, tenace. Une cassure se produit alors dans le peloton, et voilà, en quelques secondes, les principaux favoris piégés dans un deuxième peloton, derrière le premier qui est lui-même derrière les échappées ! Valverde, Freire, Boonen, Bettini, Zabel et Chavanel sont notamment présents et comprennent petit à petit qu'ils peuvent oublier la victoire...surtout qu'ils ne font rien pour combler leur retard !
C'est tout le contraire du premier peloton, qui lui prend ses responsabilités et réussit (une partie, du moins) à revenir sur le groupe de tête. On retrouve alors devant tous les coureurs devant, à la base, se sacrifier pour leur leader : Gesink, Ballan, Rebellin, Cunego, J.Rodriguez, Gilbert, mais aussi Van Avermaet et Pffanberger. Au total, une quinzaine de coureurs, qui vraisemblablement se disputeront la victoire, si personne ne réussit à sortir avant.
De très nombreuses attaques sans conséquences ont alors lieu, notamment avec Rebellin et Pffanberger. Mais c'est Ballan qui place l'accélération la plus tranchante, à quelques mètres de la flamme rouge. Ses compagnons d'échappée ne le reverront plus, sauf lorsque l'italien lèvera les bras.
C'est donc une victoire totale de l'Italie, puisque quelques secondes après la victoire de Ballan, Cunego prend la seconde place au sprint et réalise le doublé transalpin, à domicile de surcroit ! A l'annonce de la victoire de son coéquipier, Bettini lève les bras dans le "peloton des battus", au désespoir de Freire, présent à ce moment-là à ses côtés.
L'Espagne a joué la tactique défensive, en n'envoyant que J.Rodriguez, excellent aujourd'hui il faut le dire, en offensive (on a juste vu, un moment, Garate et Valverde à l'avant, mais cela n'a pas duré). Cela n'a donc pas fonctionné, mais faut-il vraiment jetter la pierre à Alejandro ? Je ne crois pas que cette défaite soit de sa faute, car il s'est quand même un peu montré et, en ne voulant pas perdre de vue Freire et Bettini, s'est retrouvé piégé à l'amorce du dernier tour. Un peu le même cas de figure qu'aux JO, donc : les favoris se neutralisent, et cela profitent aux seconds couteaux. Sauf que cette fois, le parcours était quand même moins sélectif, et cela convenait donc moins bien à Valverde.
Passée la relative déception du "ce n'est toujours pas pour l'an prochain que l'on verra Alejandro avec le maillot arc-en-ciel", il n'y a en fait pas tellement de regrets à avoir du côté d'Alejandro (37e), qui a bien fait son travail d'équipier pour Freire. En 2009, les prochains Mondiaux se disputeront en Suisse, et là, on attendra véritablement Valverde, sur un parcours plus dur. Et j'espère, et je crois, qu'il sera cette fois le leader de la sélection espagnole !
En attendant, ce Championnat du Monde était probablement la dernière course de la saison d'Alejandro (il est probable qu'il ne fasse pas le Tour de Lombardie, qui se dispute dans trois semaines), une saison très victorieuse - tout simplement la meilleure de sa carrière ! A noter cependant que l'espagnol n'a pas réussit là où on l'attendait, c'est-à-dire sur ses objectifs désignés (le Tour, les JO, la Vuelta, et dans une moindre mesure le Mondial, puisqu'il était quand même au service de Freire), mais à lever les bras là où il avait moins de pression, c'est-à-dire en première partie de saison et juste après le Tour, à San Sebastian. Il faudra donc tirer des enseignements de cela, à lire dans le Bilan de la Saison 2009 d'Alejandro Valverde, à paraitre prochainement !
Classement :
1 Alessandro Ballan (Italy) 6.37.30 (39.283 km/h)
2 Damiano Cunego (Italy) 0.03
3 Matti Breschel (Denmark)
4 Davide Rebellin (Italy)
5 Andriy Grivko (Ukraine)
6 Joaquin Rodriguez Oliver (Spain)
7 Fabian Wegmann (Germany)
8 Christian Pfannberger (Austria)
9 Nick Nuyens (Belgium)
10 Robert Gesink (Netherlands)
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37 Alejandro Valverde Belmonte (Spain) à 4'53"