Après des semaines de propos lénifiants débités à tout-va par nos dirigeants pour nous rassurer, voici qu'hier une rumeur annonçait la défaillance possible de
la grande banque belgo-néerlandaise Fortis. Cette rumeur de défaillance de l'établissement ou de son possible rachat, a causé une chute du cours de l'action Fortis de plus de 20 % ! Depuis le
début de l'année, le titre a abandonné plus de 70 % de sa valeur, ce qui a contraint Herman Verwilst, directeur général de la banque, a démentir les rumeurs et à chercher à
rassurer les investisseurs.
Mais comment peut-on réellement porter crédit à ses propos lorsque l'on sait qu'au moment où il s'exprimait, sa démission était déjà actée par les instances dirigeantes de Fortis qui
ont mis en avant une base de financement de 300 milliards d'euros et des ratios de solvabilité élevés. Ils ont aussi annoncé de nouvelles cessions d'actifs pouvant atteindre 5 à 10 milliards
d'euros. Cela n'a pas empêché, en fin de soirée, le directeur général de Fortis d'annoncer, officiellement cette fois, sa démission et ainsi ajouter à la confusion ambiante.
Au même moment, c'est tout le landerneau politique qui s'est mobilisé pour tenter de calmer les esprits. Ainsi, le ministre des finances a tenu à souligner qu'aucune banque belge ne souffrait
d'un problème de solvabilité. Puis, les investisseurs ont eu le droit au couplet claironné par presque tous les dirigeants politiques actuels: "On ne laissera jamais tomber aucun
épargnant en rade" (déclaration du Premier ministre belge). Non seulement ces propos n'ont pas rassurer les marchés, mais en plus ils ont été perçus comme mensongers par les investisseurs
lorsqu'ils ont appris que le président de la banque centrale néerlandaise avait annulé sa participation à une conférence programmée à Chicago pour rentrer d'urgence aux Pays-Bas...
L'affaire Fortis prouve que les banques européennes ne devraient pas pécher par excès de confiance, même si, globalement, elles sont en meilleure santé que leurs homologues américaines. Le
capitalisme qui s'est développé ces dernières années est basé sur une interdépendance croissante des banques dans le monde. Ainsi, nombre d'établissements bancaires avaient acquis des
montants importants de titres ou de produits dérivés émis par les banques américaines comme Lehman Brothers. Cela risque de s'ajouter à la facture finale qui comprend déjà les dépréciations
d'actifs et provisions pour les titres liés aux subprimes.
De plus, les tensions extrêmes sur le marché monétaire (malgré les injections de liquidité de la BCE), couplées à une incertitude croissante sur le sort des banques américaines, risquent de faire
sombrer le navire. En effet, le loup vient d'apparaître ces dernières semaines sur les places euorpéennes : les fonds spéculatifs anticipant des chutes de cours, se sont mis à vendre à
découvert les titres de ses banques, provoquant par là même une spirale baissière. La Grande Bretagne a d'ailleurs dû réagir vigoureusement en interdisant cette pratique sur certains titres
durant la période de crise actuelle. Elle a depuis été suivie par l'Allemagne et la France entre autres.
On peut alors légitimement se demander pourquoi les politiques se sentent obligés de multiplier les déclarations incantatoires sur la bonne santé des banques. C'est en fait essentiellement pour
éviter le scénario de panique bancaire ("bank run"), qui précipiterait les déposants aux guichets des banques comme on a pu le voir en Angleterre il y a quelques mois. Cela pourrait en
outre déboucher sur une crise de confiance générale, et donc créer une crise systémique, c'est-à-dire une crise qui s'étendrait à tout le marché bancaire !