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Publié le 27 septembre 2008 par Fred41

Le doute concernant l'existence des Esprits a pour cause première l'ignorance de leur véritable nature.

On se les figure généralement comme des êtres à part dans la création, et dont la nécessité n'est pas démontrée.

Beaucoup ne les connaissent que par les contes fantastiques dont ils ont été bercés, à peu près comme on connaît l'histoire par les romans ; sans chercher si ces contes, dégagés des accessoires ridicules, reposent sur un fond de vérité, le côté absurde seul les frappe ; ne se donnant pas la peine d'enlever l'écorce amère pour découvrir l'amande, ils rejettent le tout, comme font, dans la religion, ceux qui, choqués de certains abus, confondent tout dans la même réprobation.

Quelle que soit l'idée que l'on se fasse des Esprits, cette croyance est nécessairement fondée sur l'existence d'un principe intelligent en dehors de la matière ; elle est incompatible avec la négation absolue de ce principe.

Nous prenons donc notre point de départ dans l'existence, la survivance et l'individualité de l'âme, dont le spiritualisme est la démonstration théorique et dogmatique, et le spiritisme la démonstration patente. Faisons pour un instant abstraction des manifestations proprement dites, et, raisonnant par induction, voyons à quelles conséquences nous arriverons.

Du moment que l'on admet l'existence de l'âme et son individualité après la mort, il faut admettre aussi 1° qu'elle est d'une nature différente du corps, puisqu'une fois séparée elle n'en a plus les propriétés ; 2° qu'elle jouit de la conscience d'elle-même, puisqu'on lui attribue la joie ou la souffrance, autrement ce serait un être inerte, et autant vaudrait pour nous n'en pas avoir.

Ceci admis, cette âme va quelque part ; que devient-elle et où va-t-elle ?

Selon la croyance commune elle va au ciel ou en enfer ; mais où sont le ciel et l'enfer ?

On disait autrefois que le ciel était en haut et l'enfer en bas ; mais qu'est-ce que le haut et le bas dans l'univers, depuis que l'on connaît la rondeur de la terre, le mouvement des astres qui fait que ce qui est le haut à un moment donné devient le bas dans douze heures, l'infini de l'espace dans lequel l'oeil plonge à des distances incommensurables ?

Il est vrai que par lieux bas on entend aussi les profondeurs de la terre ; mais que sont devenues ces profondeurs depuis qu'elles ont été fouillées par la géologie ?

Que sont également devenues ces sphères concentriques appelées ciel de feu, ciel des étoiles, depuis que l'on sait que la terre n'est pas le centre des mondes, que notre soleil lui-même n'est qu'un des millions de soleils qui brillent dans l'espace, et dont chacun est le centre d'un tourbillon planétaire ?

Que devient l'importance de la terre perdue dans cette immensité ?

Par quel privilège injustifiable ce grain de sable imperceptible qui ne se distingue ni par son volume, ni par sa position, ni par un rôle particulier, serait-il seul peuplé d'êtres raisonnables ?

La raison se refuse à admettre cette inutilité de l'infini, et tout nous dit que ces mondes sont habités. S'ils sont peuplés, ils fournissent donc leur contingent au monde des âmes ; mais encore une fois que deviennent ces âmes, puisque l'astronomie et la géologie ont détruit les demeures qui leur étaient assignées, et surtout depuis que la théorie si rationnelle de la pluralité des mondes les a multipliées à l'infini ?

La doctrine de la localisation des âmes ne pouvant s'accorder avec les données de la science, une autre doctrine plus logique leur assigne pour domaine, non un lieu déterminé et circonscrit, mais l'espace universel : c'est tout un monde invisible au milieu duquel nous vivons, qui nous environne et nous coudoie sans cesse.

Y a-t-il à cela une impossibilité, quelque chose qui répugne à la raison ?

Nullement ; tout nous dit, au contraire, qu'il n'en peut être autrement. Mais alors que deviennent les peines et les récompenses futures, si vous leur ôtez les lieux spéciaux ?

Remarquez que l'incrédulité à l'endroit de ces peines et récompenses est généralement provoquée parce qu'on les présente dans des conditions inadmissibles ; mais dites, au lieu de cela, que les âmes puisent leur bonheur ou leur malheur en elles-mêmes ; que leur sort est subordonné à leur état moral ; que la réunion des âmes sympathiques et bonnes est une source de félicité ; que, selon leur degré d'épuration, elles pénètrent et entrevoient des choses qui s'effacent devant des âmes grossières, et tout le monde le comprendra sans peine ; dites encore que les âmes n'arrivent au degré suprême que par les efforts qu'elles font pour s'améliorer et après une série d'épreuves qui servent à leur épuration ; que les anges sont les âmes arrivées au dernier degré que toutes peuvent atteindre avec de la bonne volonté ; que les anges sont les messagers de Dieu, chargés de veiller à l'exécution de ses desseins dans tout l'univers, qu'ils sont heureux de ces missions glorieuses, et vous donnez à leur félicité un but plus utile et plus attrayant que celui d'une contemplation perpétuelle qui ne serait autre chose qu'une inutilité perpétuelle ; dites enfin que les démons ne sont autres que les âmes des méchants non encore épurées, mais qui peuvent arriver comme les autres, et cela paraîtra plus conforme à la justice et à la bonté de Dieu que la doctrine d'êtres créés pour le mal et perpétuellement voués au mal.

Encore une fois, voilà ce que la raison la plus sévère, la logique la plus rigoureuse, le bon sens, en un mot, peuvent admettre.

Or, ces âmes qui peuplent l'espace sont précisément ce que l'on appelle Esprits ; les Esprits ne sont donc autre chose que les âmes des hommes dépouillées de leur enveloppe corporelle.

Si les Esprits étaient des êtres à part, leur existence serait plus hypothétique ; mais si l'on admet qu'il y a des âmes, il faut bien aussi admettre les Esprits qui ne sont autres que les âmes ; si l'on admet que les âmes sont partout, il faut admettre également que les Esprits sont partout.

On ne saurait donc nier l'existence des Esprits sans nier celle des âmes.

Ceci n'est, il est vrai, qu'une théorie plus rationnelle que l'autre ; mais c'est déjà beaucoup qu'une théorie que ne contredisent ni la raison, ni la science ; si, de plus, elle est corroborée par les faits, elle a pour elle la sanction du raisonnement et de l'expérience. Ces faits, nous les trouvons dans le phénomène des manifestations spirites, qui sont ainsi la preuve patente de l'existence et de la survivance de l'âme.


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Mais, chez beaucoup de gens, là s'arrête la croyance ; ils admettent bien l'existence des âmes et par conséquent celle des Esprits, mais ils nient la possibilité de communiquer avec eux, par la raison, disent-ils, que des êtres immatériels ne peuvent agir sur la matière.

Ce doute est fondé sur l'ignorance de la véritable nature des Esprits dont on se fait généralement une idée très fausse, car on se les figure à tort comme des êtres abstraits, vagues et indéfinis, ce qui n'est pas.

Figurons-nous d'abord l'Esprit dans son union avec le corps ; l'Esprit est l'être principal, puisque c'est l'être pensant et survivant ; le corps n'est donc qu'un accessoire de l'Esprit, une enveloppe, un vêtement qu'il quitte quand il est usé.

Outre cette enveloppe matérielle, l'Esprit en a une seconde, semi-matérielle, qui l'unit à la première ; à la mort, l'Esprit se dépouille de celle-ci, mais non de la seconde à laquelle nous donnons le nom de périsprit. Cette enveloppe semi-matérielle, qui affecte la forme humaine, constitue pour lui un corps fluidique, vaporeux, mais qui, pour être invisible pour nous dans son état normal, n'en possède pas moins quelques-unes des propriétés de la matière.

L'Esprit n'est donc pas un point, une abstraction, mais un être limité et circonscrit, auquel il ne manque que d'être visible et palpable pour ressembler aux êtres humains. Pourquoi donc n'agirait-il pas sur la matière ?

Est-ce parce que son corps est fluidique ?

Mais n'est-ce pas parmi les fluides les plus raréfiés, ceux même que l'on regarde comme impondérables, l'électricité, par exemple, que l'homme trouve ses plus puissants moteurs ? Est-ce que la lumière impondérable n'exerce pas une action chimique sur la matière pondérable ?

Nous ne connaissons pas la nature intime du périsprit ; mais supposons-le formé de matière électrique, ou toute autre aussi subtile, pourquoi n'aurait-il pas la même propriété étant dirigé par une volonté ?

L'existence de l'âme et celle de Dieu, qui sont la conséquence l'une de l'autre, étant la base de tout l'édifice, avant d'entamer aucune discussion spirite, il importe de s'assurer si l'interlocuteur admet cette base. Si à ces questions :

Croyez-vous en Dieu ?

Croyez-vous avoir une âme ?

Croyez-vous à la survivance de l'âme après la mort ?

il répond négativement, ou même s'il dit simplement : Je ne sais ; je voudrais qu'il en fût ainsi, mais je n'en suis pas sûr, ce qui, le plus souvent, équivaut à une négation polie, déguisée sous une forme moins tranchante pour éviter de heurter trop brusquement ce qu'il appelle des préjugés respectables, il serait tout aussi inutile d'aller au-delà que d'entreprendre de démontrer les propriétés de la lumière à l'aveugle qui n'admettrait pas la lumière ; car, en définitive, les manifestations spirites ne sont autre chose que les effets des propriétés de l'âme ; avec celui-là c'est un tout autre ordre d'idées à suivre, si l'on ne veut pas perdre son temps.

Si la base est admise, non à titre de probabilité, mais comme chose avérée, incontestable, l'existence des Esprits en découle tout naturellement.

Reste maintenant la question de savoir si l'Esprit peut se communiquer à l'homme, c'est-à-dire s'il peut faire avec lui échange de pensées. Et pourquoi non ?

Qu'est-ce que l'homme, sinon un Esprit emprisonné dans un corps ?

Pourquoi l'Esprit libre ne pourrait-il se communiquer avec l'Esprit captif, comme l'homme libre avec celui qui est enchaîné ?

Dès lors que vous admettez la survivance de l'âme, est-il rationnel de ne pas admettre la survivance des affections ?

Puisque les âmes sont partout, n'est-il pas naturel de penser que celle d'un être qui nous a aimés pendant sa vie vienne auprès de nous, qu'il désire se communiquer à nous, et qu'il se serve pour cela des moyens qui sont à sa disposition ?

Pendant sa vie, n'agissait-il pas sur la matière de son corps ?

N'est-ce pas lui qui en dirigeait les mouvements ?

Pourquoi donc après sa mort, d'accord avec un autre Esprit lié à un corps, n'emprunterait-il pas ce corps vivant pour manifester sa pensée comme un muet peut se servir d'un parlant pour se faire comprendre ?

Faisons pour un instant abstraction des faits qui, pour nous, rendent la chose incontestable ; admettons-la à titre de simple hypothèse ; nous demandons que les incrédules nous prouvent, non par une simple négation, car leur avis personnel ne peut faire loi, mais par des raisons péremptoires, que cela ne se peut pas.

Nous nous plaçons sur leur terrain, et puisqu'ils veulent apprécier les faits spirites à l'aide des lois de la matière, qu'ils puisent donc dans cet arsenal quelque démonstration mathématique, physique, chimique, mécanique, physiologique, et prouvent par a plus b, toujours en partant du principe de l'existence et de la survivance de l'âme :

1° Que l'être qui pense en nous pendant la vie ne doit plus penser après la mort ;

2° Que s'il pense, il ne doit plus penser à ceux qu'il a aimés ;

3° Que s'il pense à ceux qu'il a aimés, il ne doit plus vouloir se communiquer à eux ;

4° Que s'il peut être partout, il ne peut pas être à nos côtés ;

5° Que s'il est à nos côtés, il ne peut pas se communiquer à nous ;

6° Que par son enveloppe fluidique il ne peut pas agir sur la matière inerte ;

7° Que s'il peut agir sur la matière inerte, il ne peut pas agir sur un être animé ;

8° Que s'il peut agir sur un être animé, il ne peut pas diriger sa main pour le faire écrire ;

9° Que, pouvant le faire écrire, il ne peut pas répondre à ses questions et lui transmettre sa pensée.

Quand les adversaires du spiritisme nous auront démontré que cela ne se peut pas, par des raisons aussi patentes que celles par lesquelles Galilée démontra que ce n'est pas le soleil qui tourne autour de la terre, alors nous pourrons dire que leurs doutes sont fondés ; malheureusement jusqu'à ce jour toute leur argumentation se résume en ces mots : Je ne crois pas, donc cela est impossible. Ils nous diront sans doute que c'est à nous de prouver la réalité des manifestations ; nous la leur prouvons par les faits et par le raisonnement ; s'ils n'admettent ni l'un ni l'autre, s'ils nient même ce qu'ils voient, c'est à eux de prouver que notre raisonnement est faux et que les faits sont impossibles.


tiré de Karadec


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