Après avoir examiné comment des médias chargés d’informer les Français ont rendu compte des élections sénatoriales, je m’intéresse maintenant à la représentativité des sénateurs élus dimanche dernier.
Une des règles des élections républicaines, qui ont succédé à des systèmes censitaires, est l'égalité : un citoyen, une voix. Cela devient plus difficile à observer dans des élections indirectes mais on peut essayer. Apparemment, dans notre douce France, si l'on a essayé, ce dont je doute fort, on n'a pas réussi. Pour cette élection, outre des sièges supplémentaires, destinés à assurer une représentation équitable à des départements où le nombre de grands électeurs avaient crû, on en a créé de nouveaux pour manifester à l'égard de petits territoires lointains, pas même départements, leur appartenance à la République. Si Wallis et Futuna bénéficiait déjà d'un siège pour 21 grands électeurs, on a créé, pour chacun de ces deux îlots fort respectables que sont Saint-Barthélémy et Saint-Martin, un siège pour respectivement 20 et 24 grands électeurs.
Je n’épiloguerai pas sur le siège déjà existant de Wallis et Futuna, obtenu sur un score tout à fait honorable de 13 à 8. D’autant plus qu’il l’a été dans l'esprit de la laïcité positive chère à notre Président, l'heureux réélu, Robert Laufoalu, étant frère de l'ordre du Sacré-Cœur. Je me félicite de la reconnaissance ainsi accordée à l'Outremer et, comme le résultat du vote n'était pas prédictible, je n'imagine pas une seconde que la création de ces deux nouveaux sièges, gagnés par la droite sur un score plébiscitaire de 40 voix contre 2, ait pu obéir à des considérations bassement électoralistes. Mais si vous pensez que cela ne tire pas à conséquence, je rappellerai simplement que le Sénat est l'une des deux composantes du Congrès et qu’en juillet, une révision constitutionnelle a été approuvée avec deux voix de majorité.
Je me suis employé ensuite à classer les 44 départements concernés dimanche selon le nombre de grands électeurs inscrits par siège. Par ordre décroissant, les valeurs s’échelonnent entre 664 pour le Calvados et 20 pour Saint-Barthélémy. La valeur médiane, qui partage la liste en deux moitiés égales, s’établit à 485, les Ardennes étant le moins sous-représenté des 22 gros avec 486 électeurs par siège et l’Allier le moins favorisé des 22 petits, avec 484 électeurs par siège. Ces départements médians pèsent, non pas la moitié, ni même le dixième, mais vingt-quatre fois moins que ceux des îliens nouvellement représentés. Que voilà de la belle et bonne discrimination, positive certes, mais pour qui ? Quant aux résultats répartis entre droite et gauche, les voici :
Droite.... Gauche........ Départements
25.......... 38.............. sous-représentés
27.......... 23.............. sur-représentés
N’y aurait-il pas une légère distorsion dans la détermination du nombre de sièges sénatoriaux ou du nombre de grands électeurs ? On déduit en effet des nombres ci-dessus que la gauche obtient 60% des sièges dans les départements sous-représentés tandis que la droite en décroche 54% dans les autres départements.
A moins de considérer que le hasard fasse bien les choses, on peut légitimement se demander si cette règle fondamentale de la démocratie, un citoyen, une voix, a bien été respectée par nos différents ministres de l’Intérieur RPR ou UMP.
Qu’en pense celui qui ne cesse de se déclarer « légitime à » ?
PS Je tiens à disposition de quiconque le demande le tableau Excel servant de base à ces conclusions.