Canardé

« Nous sommes (…) des psychocéramiques, les pots fêlés de l’humanité. »

–   Ken Kesey,

Vol au-dessus d’un nid de coucou –

-  CANARDÉ  -

   « Salut là-dedans ! »

   C’est toujours comme ça que ça commence. Toujours. J’ai fini par le piger avec le temps. Ne me demandez pas pourquoi, j’en sais foutrement rien. C’est comme ça, et puis c’est tout. Absurde ? Ouais, sans doute.

   La pluie tombait, tombait, tombait… Le putain de lac n’était pas à côté dans le dénivelé, il était au-dessus de nos têtes. Comme un putain de container de flotte qui aurait explosé, se répandant sans interruption. Floc floc floc, à en patauger jusqu’aux chevilles dans la terre poisseuse.

   Le type se tenait devant nous, une tortue serrée contre lui, coincée entre ses mains graisseuses. Il nous balançait son sourire lumineux en mode coincé.

   On n’est pas dans une putain de publicité ici, mon gars. Il gratouilla sa tortue. Une première fois. Une deuxième fois. Et encore une. Visiblement le Pinocchio détrempé d’opérette n’arrivait pas à se dépêtrer entre ses cordes.

   Un foutu canard en plastoc tenta de s’envoler. La pluie lui en balança une sacrée sur la gueule et lui fit piger qu’il restait à terre, point barre. L’autre protesta et insulta le ciel noir. « Couac couac » et s’en va.

   Le type eut un bref rictus, ses sourcils oscillèrent un coup et se remirent en place. Les jointures de quelqu’un sautèrent dans un claquement. Son putain de sourire lui fendit à nouveau le visage, encore plus étiré, exhibant ses dents blanches une à une : « Salut là-dedans. »

   Parfois, ça finit comme ça aussi.

   L. T. 26/09/08