A entendre les interviews des acteurs adolescents d'Entre les murs, ils ont pris le film comme un jeu, rappelant au passage que le cinéma, c'est aussi bien "juste jouer" que
Dans son propre film, François Bégaudeau joue son propre rôle, celui d'
Et comme pour François Bégaudeau, la figure ultime du démocrate (en gros, celui qui libère et rebondit sur la parole individuelle pour donner une forme à la parole collective), c'est
Mais François Bégaudeau sait bien qu'il n'est pas Mick Jagger et qu'il ne peut pas dérouler des kilomètres d'entrechats sur les scènes dressées dans les stades, alors à la place, il arpente le territoire étriqué de sa classe, avec une prédilection pour les trajectoires
En bon salarié de l'Education Nationale, son répertoire devrait se limiter au programme de 4e, mais ça, François Bégaudeau, ça l'embête. En bon sociologue de lui-même, il a bien compris que toute la France était dans sa classe, alors, lui ce qui l'intéresse vraiment, en vrai maïeuticien de ZEP, c'est de parler d'
De fait, cette année, en France, tout le monde parle d'Entre les murs et Entre les murs parle à tout le monde. Quelque part, François Bégaudeau avait prévu le coup puisque la couverture de son dernier livre Fin de l'histoire (une assez illisible exégèse de la conférence de presse de Florence Aubenas) était illustré par une forêt de micros,
Mais il n'y a pas que François Bégaudeau à être devenu acteur héros de lui-même, par l'entremise d'Entre les murs, le film. Si le film fait autant d'effet, n'est-ce pas tout simplement parce qu'il est bien difficile, de ne pas se sentir pris par l'effet d'identification qu'il suscitte. Pas tant un effet d'identification littéral, mais plutôt une identification où le spectateur ne cesse de comparer "l'ici et maintenant" livré par Cantet et ses propres souvenirs ou expériences. Peut-être est-ce d'ailleurs le propre des films liés à l'école (quand ils sont réussis) : mesurer un écart, une distance (géographique, temporelle, sociale) ramenée à un dénominateur commun (en gros, ce que l'on apprend dans telle classe, à tel âge, quand bien même Entre les murs ne montre quasiment que le "off" du temps d'apprentissage).
De fait, voilà un film éminemment séduisant, mais difficile à appréhender. Echappant aux sentiers battus du film à thèse qui "ne convainc que les convaincus", il paraît pourtant offrir des prises à moults points de vues, parfois contradictoires. Et si le film était une sorte de test de Rohrsach, nous en apprenant plus sur ceux qui le commentent jusqu'à plus soif que sur leurs auteurs ?
Sinon, à la marge, le film a aussi pour lui de déblayer une terra quasi incognita du cinéma français: le teen movie (à part Doillon, L'Esquive, les moyens métrages de Sophie Letourneur et en attendant les débuts au cinéma de Riad Sattouf). Des petites touches de comédie ou de répliques qui tuent (au moment où on ne les attend pas) détendent l'atmosphère. La projection du film est émaillée de quelques rires, mais des rires qui se demandent s'ils ont raison d'être là. C'était quand, la dernière fois que j'avais ressenti ça, des moments de rire en plein milieu d'un film "sérieux", d'un film "politique" même, dirais-je ? Ah oui, c'était dans Dixième chambre, instants d'audience (Raymond Depardon 2004) quand le langage juridique créait de lui-même quiproquos et situations absurdes. Un autre film de Depardon (Délits flagrants en 1994) montrait, par ses plans fixes clivants (certes imposés par les contraintes de tournage) la frontière façonnée par le langage, les deux langues, celle des juristes et celle des justiciables qui paraissaient ne pas vraiment se connecter. Dans Entre les murs, il est aussi question de confrontations permanentes et abruptes même si les deux bords peuvent parfois arrondir les angles. Il est aussi question de frontière de langage, même si celle-ci est plus floue, plus mouvante, et, comme nous y invite le film, plutôt à arpenter par la tangente.