Comme tout un chacun, j’ai une boîte aux lettres. Une boîte respectant une norme si standardisée, que dans le paysage, plus personne ne la remarque, sinon le facteur qui passe devant chaque jour. Il y dépose toutes sortes de courriers, surtout des factures et, quelques fois une lettre. Il y a aussi le tireur de chariot de documentations publicitaires qui se charge de compléter son parfait remplissage, avec une assiduité certaine qui doit engrosser son employeur plus que les émoluments qu’il reçoit pour ce travail. Mais cette boîte aux lettres si banale, accrochée à ma grille de jardin, et de toutes parts entourée par la verdure qui me cache aux regards indiscrets, se fait si discrète qu’à force de la voir ; je ne la remarque même plus. Quand je pense à elle, par hasard ou parce que j’ai du temps à perdre, il m’arrive d’aller vider son contenu. La majeure partie rejoint directement la poubelle réservée à ce qui est recyclable, le reste, bien mince correspondance à sens unique rejoint la pile en attente sur la table. Je pense à elle, aujourd’hui, car en rentrant ce soir ; je l’ai vue. Elle était là comme à son habitude, simple et modeste, sans rien exprimer et semblait m’attendre timidement. Si timidement, que par défi je ne m’y suis pas rendu.
Et pourquoi donc feindre l’indifférence envers ce pauvre accessoire à mon service depuis si longtemps et, qui jamais vraiment ne m’a fait de mal ? N’allez pas croire que je joue le faussement détaché, que je fais mon dédaigneux ou que je la boude, la boîte à courrier ; je vous l’assure, le problème est ailleurs. C’est une histoire d’honneur, de fierté, une question de quant-à moi ; elle ne m’impressionne plus, ne me tente plus, ne détient sûrement plus mes espoirs les plus fous, mes rêves insensés, elle est simplement redevenue elle-même. Ustensile de la vie elle est, et devra désormais le rester. Pendant deux ans elle m’a tenu en haleine dans l’attente de courrier qui tardait à venir, deux années d’un espoir déçu et de désillusion à attendre les lettres de refus d’éditeurs à qui mon manuscrit avait été envoyé. Deux ans ce peut-être long, mais avec l’attente d’un refus, les années comptent double. Pourtant, au long des jours, l’habitude aidant, je me faisais une petite joie à espérer ces lettres négatives. Une joie intérieure, car elles représentaient le seul lien avec le monde des auteurs auquel j’aspirais, une consécration que ces négations impersonnelles mes faisaient presque toucher du bout des ongles. Des lettres aux airs de virgules attestant que la phrase n’est pas encore achevée, qu’elle continue malgré tout. Puis un jour d’avril de cette année, je reçu un point final pour ma phrase ; petit, mais il soldait des mois de patience, consumait les angoisse et sonnait le glas de l’intérêt pour la boîte aux lettres. C’est depuis ce jour d’avril que nous ne communiquons plus, ne communions plus d’un même élan, maintenant la commune attente à cédé la place à la désaffection mutuelle. Dans un dernier sursaut d’orgueil, elle m’a rendu le contrat de l’éditeur et depuis, le lien qui nous unissait s’est rompu.