Parce qu’elle laisse libre cours à ses fantasmes entre 14 heures et 17 heures, la ravissante et très bourgeoise Séverine est surnommée « Belle de jour » dans la maison close dont elle devient une des chevilles ouvrières. En 1967, le public réserve un accueil enthousiaste à l’œuvre de Bunuel : plus de deux millions de spectateurs se pressent dans les salles pour suivre cette adaptation d’un roman de Joseph Kessel… bientôt récompensée par un lion d’or à Venise. Lumineuse dans ses tenues dessinées par Yves Saint-Laurent, Catherine Deneuve prend aussitôt une étoffe internationale. Un scénario inimaginable quelques mois plus tôt. « Quand Bunuel m’a proposé ce rôle, j’ai accepté sans hésiter, mais c’était aussi audacieux à l’époque et un peu risqué pour moi, confiait-elle . J’avais 23 ans ; pour tout le monde, j’étais la jeune fille romantique des Parapluies de Cherbourg. » Sûr de son casting, Bunuel impose son choix aux producteurs qui souhaitaient faire appel à Michèle Mercier.
Des relations « difficiles »
Bien entendu, les raisons du succès étaient multiples. « Ce film coïncidait merveilleusement avec la personnalité un peu secrète de Catherine et les rêves du public, résumait François Truffaut. C’était une œuvre formidablement mystérieuse qui lui convenait parfaitement. » Jean-Claude Carrière expliquait, tout en nuances, à propos du sulfureux metteur en scène : « Il fallait que ses films aient une puissance d’étrangeté sans être étranges. »
La prestation de l’actrice, elle, reste clairement dans les mémoires. Et continue d’intriguer, plus de quarante ans après la sortie… « Belle de jour est quand même un film très particulier, indiquait-elle. Il y a eu une possibilité d’identification entre le personnage que je jouais et moi. Ça a duré très longtemps. Et ça dure encore. Mais cela ne me pose aucun problème. » Trois années plus tard, elle retrouvera Bunuel dans Tristana. Sa rencontre avec le cinéaste figure parmi les plus importantes de sa vie, en dépit de leurs relations « difficiles » pendant les tournages où s’affrontaient leurs caractères si différents. « Sur le plateau, Bunuel ne voulait pas de quelqu’un aussi farouchement réservé que moi. »
L’œuvre n’a rien perdu aujourd’hui de son éclat d’antan, comme le rappellent les scores élevés des rediffusions. Même engouement à l’étranger. En 1996, Belle de jour retrouvait le haut de l’affiche aux États-Unis, sous le haut parrainage de Martin Scorsese.Il y connut un nouveau triomphe et rapporta la bagatelle de six millions de dollars. Un nouveau coup de fouet…
Arte - Ce soir à 21 heures.