Le bleu, pourquoi parler du bleu ? Aujourd'hui, il n'y a qu'à se poster au coin de deux grands boulevards parisiens et à observer la foule, elle sera majoritairement habillée de bleu. Le blue jean y est certainement pour beaucoup, mais d'après les enquêtes d'opinion conduites depuis la dernière guerre mondiale, il apparaît que le bleu est la couleur préférée de plus de la moitié de population européenne.
Pourtant, cela n'a pas toujours été le cas, comme le retrace l'historien Michel Pastoureau, spécialiste des emblèmes, des couleurs et des codes sociaux. "Dans l'Antiquité méditerranéenne,en effet, le bleu est une couleur peu appréciée et dont on fait un usage modéré. Pour les Romains, par exemple, le bleu est la couleur des barbares, notamment des Celtes et des Germains. Non seulement parce que ceux-ci ont souvent les yeux bleus - ce qui à Rome est dévalorisant -" mais aussi parce que certains de leurs guerriers "ont coutume de se peindre le corps en bleu avant le combat ... ce qui donnent à ces barbares lors des combats un aspect fantomatique".
Je vais pas ici détailler plus l'histoire de la couleur bleue, autant se reporter à l'ouvrage "Les couleurs de notre temps", je voudrais simplement ici, au travers de quelques toiles de peintre, vous entraîner dans la couleur bleu, vous faire voyager dans le bleu azur de la mer et du ciel, dans le bleu de cobalt de la nuit étoilée.
De façon tout à fait improbable, Edward Hopper nous fait entrer dans son tableau "Rooms by the Sea, 1951" dans la mer bleue azur, depuis une pièce, où nous pourrions être assis, dont la porte ouverte donne directement sur la mer. Le cadrage retenu ici, avec l'ombre projetée à la fois en arrière plan dans la deuxième chambre, et au premier plan dans la première chambre où nous sommes, accentue l'effet lumineux de la mer sous le soleil qui chatoie. Irrésistiblement, l'oeil est attiré vers la mer. Nous sommes aux frontières d'un espace irréel.
René Magritte dans son tableau "L'Empire des lumières, 1954", nous donne presque à toucher le ciel bleu
azur avec ces nuages blancs pommelés. L'espace du tableau est divisé en deux zones contrastées presque équivalentes, l'une très sombre avec des habitations et des peupliers qui n'apparaissent dans la clarté que parce que le lampadaire est allumé, l'une très clair avec le ciel bleu azur, cette clarté étant renforcée par la présence de ce grand arbre presque noir sur la droite s'élançant vers le ciel. Ce tableau peut paraître irréel pour certains, pourtant, je me souviens d'un soir, où étant en contrebas d'une rue pavillonnaire, nous avons vu les habitations sombres se détacher du ciel bleu azur, à la manière de Magritte.
Dans "La Nuit étoilée, 1888", Van Gogh peint le ciel nocturne tel que l'on en rêve, avec les étoiles qui éclairent ce ciel bleu de cobalt et qui scintillent dans les eaux du fleuve un peu plus sombres encore que le ciel. Mais laissons la parole à Van Gogh qui écrit à sa soeur, en septembre 1888 "Je veux maintenant absolument peindre un ciel étoilé. Souvent il me semble que la nuit est encore plus richement colorée que le jour, colorée des violets, des bleus et des verts les plus intenses. Certaines étoiles sont citronnées, d'autres ont des feux roses, verts, bleus, myosotis."