"L'amitié est-elle une forme d'amour ? Comment naît-elle ? Pourquoi ne s'ennuie-ton jamais avec un ami ? L'amour et l'amitié peuvent-ils coexister ? Un amour défunt peut-il se transformer en amitié ? L'amitié peut-elle entraîner la jalousie ? Quels sont les ennemis de l'amitié ? A-t-elle un avenir dans un monde dominé par les relations d'intérêt ?
Exalté par Montaigne, nié par Proust, quelle est la vraie nature de ce sentiment d'attachement réciproque qui ne se fonde ni sur les liens du sans ni sur l'attrait sexuel ?
Parce qu'ils donnent à chacun l'impression de s'adresser intimement à lui, les traités de Francesco Albéroni sont devenus les livres de chevet d'un très nombreux public. Après l'immense succès du Choc amoureux, le plus clair et le plus brillant des psychosociologues nous dit tout sur l'amitié, pour nous aider à mieux comprendre notre propre vie."
Mon avis :
Cet essai à caractère philosophique commence par une question : Il est encore d'amitié dans le monde contemporain ?
Albéroni nous démontre avec beaucoup de conviction que l'amitié est d'abord une expérience de rencontre , de reconnaissance entre deux singularités qui se caractérise par la joie de se retrouver, le plaisir d'être ensemble, de communiquer avec facilité. Juste de le plaisir de la présence comme telle. L'ami, dit Albéroni, "me rend justice" sans se faire juge. Le côté reposant, apaisant est là, présent. Nous n'éprouvons pas le besoin de faire nos preuves, ni de nous affirmer avec un ami. C'est une expérience d'accord, d'une paix même parfois plus qu'une ressemblance. Et l'amitié ne saurait grandir sur une base narcissique ou de la recherche d'un complément à ce que nous sommes. C'est dans la parole que naît l'amitié, dans le dialogue. mais pas seulement. La parole n'est pas indispensable et une relation amicale supporte les silences. Comme une randonnée en montagne, l'amitié comprend les pauses, les raccourcis. Et une concordance amicale suppose une ouverture à une réalité plus grande. On ne peut la dissocier d'une quête, d'une aspiration commune. Elle est impensable sans une reconnaissance du meilleur de l'un par l'autre.
Ce qui différencie l'amitié de l'amour est le désir physique de l'autre, absent ou présent. Quand une amitié risque de se transformer en amour, c'est précisément parce que le désir physique se présente. L'amour inclut le sexe, l'amitié l'exclut totalement. Et l'amour n'est pas forcément un sentiment réciproque au contraire de l'amitié qui naît toujours de la réciprocité. Pour Albéroni, "l'amitié hétérosexuelle présente dès sa naissance des pulsions érotiques. C'est leur abandon qui permettrait à ce sentiment de naître : refoulées ou sublimées, ces pulsions formeraient l'attirance qui fonde l'amitié".
L'amour, partagé ou pas, engendre de l'angoisse, de la souffrance. L'amitié est au contraire un lien plus rassurant. L'absence de nos amis, leur éloignement, s'il crée un manque, ne nous angoisse pas, il y a des amitiés déçues mais pas d'amitiés malheureuses.
En amitié, il n'y pas de place pour l'envie, ce "sentiment mesquin et douloureux qui empoisonne nos relations sociales et dont nous souffrons en silence. L'envie est la parfaite anti-thèse de l'amitié car celle-ci veut le bonheur de l'autre, l'envie veut son malheur. Les amis, eux, sont des semblables et des égaux ; ils sont capables de limiter leurs désirs, de réduire leurs besoins et de pratiquer le renoncement. Le désir de notre ami, que nous comprenons, reste son désir et nous nous mettons au service de sa satisfaction. Nous ne nous confondons pas avec lui, nous prenons son parti. [...] En renonçant à m'emparer du désir de mon ami, c'est à moi que je donne l'avantage. Je progresse sur la voie de mon identification propre. Cela n'est possible qu'avec un ami. C'est ainsi que l'envie ne peut avoir sa place entre nous, il reste lui-même et je reste moi-même".
Cependant, je crois que parfois l'homme aime aussi à se leurrer au sujet de l'amitié. Il est effectivement doux de penser que l'on est entouré d'amis sincères. L'amitié peut être un rapport tissé d'illusions ; illusions que nous entretenons volontairement pour ne pas devoir nous avouer une certaine solitude. Illusion encore car l'amitié perdrait tout son charme si on ne pouvait espérer être soutenu par ses amis en cas de besoin et pourtant, on pressent qu'il vaut mieux ne pas mettre à l'épreuve cette amitié de peur d'être déçu ou de se l'entendre reprocher.
Comment conclure ? Je suis bien désolée mais je ne suis pas spécialement douée pour les conclusions, et c'est le moins que je puisse dire. Je vous abandonne donc à vos propres réflexions.