Lundi soir, au Cinéma Publicis des Champs Elysées avait lieu une avant-première parisienne pour Mariage chez les Bodin's. Quelques figures du petit monde franchouillard de l'humour avaient fait le déplacement : Michèle Bernier, marraine des Bodin's, Sophie Forte, Marianne Sergent, Charlotte De Turckheim et Gérard Holtz ! Des inconnus du cinéma étaient là : des techniciens, des critiques de cinéma. Jean-Pierre Bigard, producteur du film et frère de Jean-Marie Bigard, était le seul nom connu sur l'affiche. Ah non, j'oublie le réalisateur est assez connu : Eric le Roch. Cet acteur est surprenant, une sorte de zébulon, pétillant, avec un sacré sourire.
- Eric LE ROCH
- Réalisateur de "Mariage chez les Bodin's"
Eric Le Roch a une tête de pub, mais reste méconnu comme comédien et comme réalisateur. "Mariage chez les Bodin's" est son troisième film comme réalisateur. Son parti-pris de cadrage correspond exactement au style reportage-télé sur la vraie vie des gens vrais, sauce Strip-tease. Et comme nous sommes dans un film comique, la caméra filme de manière drôle. Évidemment, les amateurs de plans fixes ou de travellings sur roulement à billes seront déçu, certains même auront même le tournis tant la caméra ne s'embarrasse pas des figures de style. Mais qu'importe ces chamailleries de critiques puisque L'ESPRIT est là. Je sais, c'est un gros mot : L'ESPRIT. Un mot tombé en désuétude mais utilisé aujourd'hui pour une marque de vêtements et un jour, qui sait, déposé par le clergé. Peut-être que si l'Eglise avait les moyens, elle déposerait le mot "Esprit saint". Comme les curés nous amènent à croire à l'existence de Dieu, les Bodin's réalise le tour de force de nous faire croire à leur propre existence.
Certes, on ne resterait pas chez eux 107 ans. Après les salutations d'usage, on boirait un canon sans s'éterniser. Après avoir lancé un "Faut pas qu'on tarde, car la route est longue !" très suffisant, nous quitterions la salle principale (salon, chambre et salle à manger) de la fermette, comme des stars voulant ignorer la crasse humaine qui s'étend parfois plusieurs bourgades à la ronde. Et pourtant on aurait tort. On passerait à côté d'humains qui auraient beaucoup à nous apprendre. C'est sans doute pour éviter l'esprit parisien qui lamine un film avant même qu'il ne soit vu (sic), que le distributeur a finement choisi de présenter d'abord son film en province. Certains y verront la marque du mépris. Peut-être. L'important est que ce film vive, qu'il soit projeté et vu par le plus grand nombre.
Chez les Bodin's, pas de stratégie, l'heure est à la bonne plaisanterie.
S'inspirant des reportages-télé filmés avec les pieds, la caméra est faussement retenue. Elle s'attarde comme il le faut sur la représentation grotesque des inconnus, comme l'avait si bien montré "C'est arrivé près de chez vous !". Ici les deux paysans ne nous épargne aucun pathétique, mais avec une jubilante drôlerie. Le grotesque est enfin de retour sur nos écrans.
Ce film est un OVNI. D'abord, parce qu'il fera honte aux défenseurs d'un bon goût français. Ensuite, il a pris son temps. Délaissant les réseaux de distribution classique, il a fait appel à ADR Productions qui s'est illustré cet été dans un soutien farouche à la campagne avec le documentaire "YVETTE bon Dieu !". Après avoir fait un carton en province avec plus de 100 000 spectateurs, "Mariage chez les Bodin's" finit sa course à Paris. Comme "Bienvenu chez les ch'tis" avait joué son avant-première dans le Nord, le film est projeté depuis avril 2008 dans différentes régions françaises, et grimpe lentement mais sûrement les marches du palmarès. Le producteur en est encore tout étonné. Lui qui calmait l'emballement d'Eric Le Roch qui rêvait de 10 000 entrées. De l'aveu même de Jean-Pierre Bigard, il ne pensait pas qu'il pourrait produire un film avec un aussi petit budget : 94 000 €. Le film a dû débuter avec six copies !
Qui sont les Bodin's ?
Les Bodin's sont un couple original : la mère Maria, interprétée par Vincent Dubois et le fils Christian par Jean-Christian Fraiscinet. Depuis plus de dix ans, ils éclusent les théâtres, usant des clichés de la campagne comme sources du rire. Évidemment, comme dans tout duo de clown, les rôles ne sont pas interchangeables : la vieille moleste son fils dévoué. Les acteurs sont exceptionnels. Ils nous font croire coûte que coûte à leur histoire nazebroque, leur vie sans pouvoir d'achat, au milieu des chèvres et des dindons. Chez les Bodin's, on chasse le cerf à l'étouffée, on dynamite les taupes et on commande du flan pour la pièce montée. Mais je ne raconterai pas les trouvailles de ce film, reprenant sans complexe le filon du voyeurisme pour en faire un spectacle grand public.
Le film est enfin projeté à Paris depuis ce mercredi 24 septembre. Et si, comme moi, vous avez raté "Bienvenu chez les ch'tis", vous ne serez pas déçu de faire connaissance avec les Bodin's, des humains plus vrais que nature !