Route romaine à Sopron
Arrivée à Tours
Une autre amitié tenace. Après le voyage éclair en Croatie, il me semblait tout de même important d’être présent à Tours pour un événement dont je trouve que la presse n’a pas suffisamment fait état. Je ne parle même pas de la presse européenne, mais de la presse nationale française.
Vers seize heures, une petite troupe est arrivée devant la mairie de Tours. Il y avait là essentiellement des marcheurs, des pèlerins, des curieux. Beaucoup de Français, quelques Hongrois et un échantillon de différentes nationalités. Ils entouraient deux jeunes marcheurs, l’un Hongrois, Daniel Marky l’autre Français Nicolas François qui étaient partis quelques semaines plus tôt de Szombathely, patrie natale – à vrai dire, l’une des patries possibles – de Saint Martin en parcourant mille huit cents kilomètres par la Slovénie et l’Italie.
Le musée de Sopron montre bien toute l’importance, dans l’Ouest de la Hongrie actuelle, la Pannonie, sur le croisement de plusieurs routes, dont la Route de l’Ambre, de la manière dont l’aménagement du territoire avait été prise en compte par l’Empire romain. Les restes de routes sont bien là, comme des amarres dans un horizon hostile. Et le père de Saint Martin était un soldat d’une des garnisons avancées. Il attendait l’arrivée des « Barbares » qui, quelques années plus tard ont tout balayé.
L’idée qui sous tend cette initiative est celle d’un passeport du partage citoyen. Un moyen concret de redire, aujourd’hui, comme le font d’autres routes dédiées à la redécouverte du phénomène de pèlerinage avec une crédentiale, que la fonction d’accueil, la fonction d’hospitalité font partie d’une citoyenneté qui prend en compte ce que l’on peut partager, de plus matériel, comme de plus immatériel.Il y avait de la joie, de la tristesse aussi entre ces jeunes, compte tenu de la séparation prochaine. Il y avait de la politique ; celle des élus qui doivent célébrer, même si le Conseil de l’Europe qui avait patronné cette démarche, au plus haut niveau, était singulièrement absent.
Il y avait surtout un sentiment très étrange que les murs sont rudement difficiles à pousser, et les portes à ouvrir, si je peux me permettre une double métaphore architecturale. Je veux dire les portes de l’intérêt général ; celui qui fait que ceux qui possèdent les outils pour dire, ne disent pas, ne montrent pas.
En effet, ce n’est pas parce que la marche est devenu “tendance”, parce que les magazines en font un sujet récurrent, au moment des vacances d’été ou pour les journées creuses de l’hiver, que ce fait là, singulier, devait rester anodin.
Je ne veux pas bouder mon plaisir. Les trois journées passées en Touraine à cette occasion ont été merveilleuses, grâce à l’amitié et en particulier à la musique slovène contemporaine.
Mais quand même, de quels symboles avons nous besoin après le non de l’Irlande, au moment où la Présidence française du Conseil de l’Union Européenne commence, de quels symboles plus forts, pour dire que c’est là que la réconciliation, la plus large, se construit, sinon ce chemin partagé ?