Pas tout de suite, car avant, eux aussi, tous les trois, les trois garçons du restaurant, ils étaient venus me voir, couchée sur mon petit lit blanc d’hôpital. Mathieu, qui pleurait, qui se fâchait, qui me disait que je n’aurais pas dû, pas dû quoi ? Hein ! Dis-moi ? Je n’y comprends rien. Il allait commencer l’école. J’étais prise aussi, on aurait pu continuer comme avant. Moi, ça me faisait bien rire, maintenant, ces histoires d’écoles à la noix ! Marc qui s’inquiétait, Jean qui ne comprenait rien, moi, sa grande sœur, son idole tombée de son piédestal. Il ne s’en est pas encore remis.
Oui, Fleur, je riais, car j’avais de nouveau été la reine de l’école buissonnière. La première fois, j’avais rencontré des fées. La seconde fois, j’avais rencontré une sorcière ! La vie devenait terriblement excitante. Que rencontrerais-je la troisième fois ?
Les garçons ont continué leur existence de garçons. Mathieu a poursuivi ses études. Marc a suivi malgré lui cette foutue école de marketing dans laquelle il s’ennuie à mourir. Jean redouble chaque année, un peu de ma faute, sans doute…
Quant à moi, je n’ai rien fait. Après mes six mois d’hôpital, tu vois, il n’ont pas voulu me garder non plus, eux, un peu comme la sorcière de la rivière, ils m’ont dit, allez, ouste ! Du balai ! alors, je me suis enfermée dans ma chambre, j’ai lu, beaucoup réfléchi, énormément écrit, tout brûlé, tout recommencé, tout brûlé encore. Je crois bien que je faisais le désespoir de mes parents. Les pauvres étaient bien incapables de comprendre quoi que ce soit de cette pauvre fille tout à fait normale qui soudain devenait vraiment complètement cinglée. Pour eux. Car pour moi, je devenais tout à fait sage, d’une sagesse extrême, de la plus grande sagesse, reçue de toutes celles qui étaient passée comme moi par le même remue-ménage, depuis des siècles et des siècles.
La troisième fois, c’est toi que j’ai rencontrée ! Ma Fleur, ma petite Fleur…