Les perruches s’envolent des grands arbres de la rivière. A tire d’aile, elles se rassemblent en troupe serrée, volubiles et excitées, dans l’air électrique précédant l’orage. Elles vont et viennent, à toute vitesse, comme autant de petits éclairs verts et métalliques, pourfendant le vent qui s’emballe de plus en plus fort. Des feuilles de septembre, à peine rousses, tombées au sol, se mettent à tressauter, sous les coups de la bourrasque qui se prépare. Certaines volent un peu plus haut, presque inquiètes.
Le nuage des perruches revient à l’attaque. De leur petite poitrine émeraude, ce sont des milliers et des milliers de cris qui montent vers l’atmosphère grise. C’est un chant d’assaut, des clameurs de guerre, une mélopée terrible pour affronter les éléments qui se préparent. Le ciel est immense, solide, dur comme une assemblée de falaises anthracites. Les petits oiseaux verts, derniers rayons de vie lumineuse, s’élancent entre les bandes immenses des nuages. L’angoisse des coulées noires, jetées au ciel par des démiurges furieux, ne les arrête pas. Leur mélopée est incessante, lancinante, un dernier chant d’éternité avant le combat qui s’annonce.
Le vent se renforce encore. Il se fait violent. Il secoue les têtes des vieux arbres, mugit entre leur troncs tremblant, soulève la rivière, creuse des sillons entre les hautes herbes des rives. Puis il monte par grand fracas, s’élève jusqu’à ces nuages ténébreux.
Mais les perruches persévèrent. Plus serrées encore, plumes contre plumes, leurs coup d’ailes brassent maintenant la brise à grand éclat. Elles s’égosillent au cœur de la tourmente. Sans perdre courage. L’atmosphère qui les entoure se mue en océan terrifiant. Des vagues de ciel, géantes, couleur de nuit, couleur d’encre, à l’écume laiteuse, s’entrechoquent sans fin. Leur petit groupe, frêle esquif sur la crête des éléments en fusion, s’élance encore une fois, avant de se disloquer, dans un dernier chant, en mille jets incandescents, contre la nuit tourbillonnante.