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Je n’étais jamais seule

Publié le 20 septembre 2008 par Unepageparjour

Je n’étais jamais seule, toujours accompagnée d’une, deux, trois femmes, qui m’expliquaient tous ces mystères. Les hommes travaillaient durs, je les voyais très peu. Ce n’était pas leur affaire. Chacun tenait un rôle et ils n’empiétaient pas sur celui des femmes. Voilà, Matthieu, ce que je fis après Noël.

Marie s’arrête brusquement parler et de marcher. Elle commence à se sentir fatiguée, de longer ainsi le bord de la rivière, d’aller et venir sans fin dans ses souvenirs les plus anciens et dans son histoire la plus récente. Fleur dort toujours très profondément. La chandelle du restaurant brille au loin, tout ce chemin encore à parcourir…

J’aimerais bien manger mon tiramisu, dit alors Marie, avec une petite voix pleine de découragement, de lassitude, comme si soudain, elle se sentais abandonnée de sa meute, isolée dans un monde dont elle de comprend plus tout à fait le sens. Machinalement, elle se raccroche au bras de Matthieu, qui ne se méprend pas sur son geste.

Rentrons, dit-il, avant que la nuit ne gagne aussi les dernières lumières de la civilisation. Nos deux compères doivent bien s’ennuyer. Mais je ne regrette pas ce moment, sais-tu ? Je crois bien que c’est la première fois que nous ayons une conversation de ce genre, aussi profonde, aussi intense…

La première fois aussi, je pense, le coupe Marie, que tu m’écoutes vraiment, que tu ne cherches pas à imposer tes points de vue, tes idées supérieures, tes pensées sans discussions possibles, péremptoires, ancrées dans la rationalité surfaite de notre existence. Oui, c’est bien la première fois que tu m’écoutes jusqu’au bout te raconter mes histoires à dormir debout, comme tu les appelais, quand je voulais te faire partager mon émerveillement le jour, où, petite fille, j’avais croisé au bord de la rivières quelques fées sauvages. Le jour où la sorcière m’avait réchauffée d’une soupe incroyable quand j’allais mourir, pour me sauver. Je t’ai déjà raconté ces choses, mais tu refusais d’en discuter.

Cela me paraissait tellement incongru, essaye de se justifier Matthieu, tellement loin de tout ce qui existe.

Marie s’accroche toujours au bras de Matthieu. Ils reprennent leur marche, lentement. Marie n’en peut plus, elle confie à Matthieu le soin de pousser le landau de Fleur. Mais au bout de quelques pas, elle s’arrête, elle ne peut plus avancer. Tout son corps lui fait mal. Un banc, heureusement, est posté là, comme pour l’attendre. Elle s’y affale. Matthieu s’assoit doucement à côté d’elle, en rapprochant d’eux le landau au plus près. Il s’inquiète, il sort son portable de sa poche, pour demander à Marc d’amener la voiture. Marie l’arrête d’un geste, en posant sa main sur son bras.


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