Certains choix médicaux sont sujet à polémique, d'autres le sont moins.
Mme X. à 95 ans , elle est hébergée en 'Maison d'accueil pour personnes âgées dépendantes" (MAPAD).
Une des infirmières présente en journée me laisse un message via le secrétariat :
"Passer voir Mme X. pour hospitalisation. Hématurie macroscopique +++"
Une hématurie correspond à la présence de sang dans les urines. Quand elle est "microscopique" , elle ne se voit pas, on la détecte par les examens de laboratoire, ou par bandelettes urinaires.
A contrario, quand elle est macroscopique, elle se voit... pouvant parfois donner l'impression de véritablement "pisser du sang".
Les causes de l'hématurie sont multiples, les principales étant les infections urinaires, le cancer et les "fausses hématuries" (les menstrues faisant partie des causes classiques de 'présence de sang dans les urines).
Pour Mme X, je sais ce que c'est.
Elle a un cancer de la vessie depuis 7 ans, qui avait été traité pendant 1 ou 2 ans, et vu son grand âge, l'urologue, en accord avec la famille et les cancérologues, avait décidé de ne plus la traiter.
C'est sujet à discussion, mais ça semble logique... à son âge, il ne lui reste(ait) que quelques mois, quelques années tout au plus, à vivre. Était-il raisonnable de lui 'pourrir' son temps restant avec des 'chimio', des 'chirurgies' et des consultations 'en veux-tu, en voila'?
D'un autre coté, l'infirmière fait son boulot et est inquiète. Avoir un ou une pensionnaire qui remplit sa couche de sang... est inquiétant.
Les sujets âgés sont souvent de vrais collectionneurs de pathologies, de vrais dictionnaires à maladies. Et X. est gatée.
Elle a ce cancer de la vessie, mais elle a aussi: une maladie d'Alzheimer, un syndrôme dépressif, une hypertension artérielle, un diabète... et malgré tout, elle reste 'correcte'.
Certes , il est nécessaire à chaque visite de lui rappeler que je suis son médecin... elle est à chaque fois 'enchantée de me connaître' sans jamais me reconnaître! Certes, elle ne se rappelle plus, cinq minutes après, ce qu'elle vient de faire. Et de toute manière... elle ne fait pas grand chose.
Elle reconnaît sa fille... des fois. Des fois elle l'appelle "Madame".
Lors de la visite, Mme X. est semblable à elle-même.
Moi: "Bonjour, je suis votre docteur!" en parlant fort... puisqu'en plus elle n'entend pas grand chose.
Elle: "Ah? Enchantée de vous connaître!"
Moi: "Vous avez mal quelque part?"
Elle: "Non!"
Moi: "Ça vous brûle, quand vous urinez?"
Elle: "Oh vous savez, je m'en aperçois pas."
Dialogue de sourd.. tout l'étage entend mes questions tellement je parle fort... pourtant la porte est fermée.
L'examen cardiaque et pulmonaire est sans modification. Quelques extrasystoles par-ci, par-là. Rien de bien nouveau.
Son ventre par contre, est plus problématique, on sent , à coté du nombril, une masse bien dure, et non douloureuse. Probablement le cancer qui a évolué.
Je ressors les courrier des spécialistes... qui disent en substance "on ne veut plus la voir dorénavant".
Je ré-explique à l'infirmière le contexte. On met quand même une antibiothérapie, à l'aveugle, sans prélèvement, au cas ou ce serait une infection urinaire. (On va quand même pas faire un sondage urinaire qu'elle ne va pas apprécier du tout, et donc l'emmerder et la faire souffrir... d'où le non prélèvement).
J'avertis sa fille, qui est bien au courant du problème.
Elle: "De toute manière, on va pas la traiter maintenant... tant qu'elle ne souffre pas".
... et je suis bien d'accord... tant qu'elle ne souffre pas...
En espérant..