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Dans la plupart des pays émergents, le développement de la banque de détail se heurte souvent au faible taux de bancarisation structurellement observé auprès de la clientèle de particuliers. En effet, rares sont les pays émergents où la bancarisation dépasse 20%, contrairement aux pays développés où cet indicateur est généralement supérieur à 85%.
Le potentiel de croissance pour la banque de détail n’est donc pas négligeable, notamment sur les activités de « banque au quotidien » (tenue de compte, paiements, services complémentaires). Un décollage du taux de bancarisation permettrait non seulement aux établissements d’étendre leurs sources de revenus par augmentation du volume de commissions, mais surtout d’adresser une base clientèle plus large sur d’autres types d’offres (crédit à la consommation, micro-crédit, voire crédit à l’habitat…).
Ce constat s’explique par plusieurs facteurs structurels. On peut notamment observer que la majorité de ces économies sont à dominante rurale, ce qui a pour conséquence une concentration des agences autour des grandes villes. Cumulé à un maillage des transports très hétérogène, ce point rend les agences difficiles d’accès pour la majorité de la population. De plus, les paiements scripturaux sont peu développés du fait du coût élevé de l’accès aux services financiers et de la forte tradition des paiements en espèces.
Cependant, un tel constat ne doit pas apparaître comme une fatalité. Dans certains pays émergents, la pénétration élevée du mobile (plus de 80%), cumulée à la mise en place de services innovants, a permis de fortes avancées, en jouant comme un véritable catalyseur de bancarisation. Le Sénégal, le Ghana, l’Inde, sont autant d’exemples de pays où des offres commerciales de paiement par mobile se sont développées à vive allure (transferts de fonds de personne à personne par SMS, consultation du solde, paiement de biens et services…). Aux Philippines, à titre d’exemple, Globe Telecom a lancé en 2004 son service GCash en partenariat avec un réseau de banques. Celui-ci permet aux clients d’envoyer et de recevoir des fonds, de rembourser automatiquement leurs échéances de microcrédit, de régler des factures chez les petits commerçants, via un porte-monnaie électronique géré depuis le mobile. Ainsi, la banque est désormais dans la poche du client[1] : les opérations normalement réalisées à un guichet se font désormais par le biais du mobile.
Des facteurs clefs de développement
L’enjeu réside avant tout dans la mise à disposition de services à forte valeur ajoutée pour le consommateur, susceptible d’entraîner l’adhérence du plus grand nombre aux services bancaires. Ainsi le futur service devra par exemple proposer un mode de souscription simple, des services adaptés à la demande et un coût d’accès relativement faible.
Cependant, le lancement d’une offre de m-banking est soumis à plusieurs facteurs clefs de succès. Le business modèle est au cœur de ces préoccupations, avec la question cruciale du lien entre les banques et les opérateurs mobiles.
Chacun des acteurs doit évaluer, en fonction de ses objectifs stratégiques, le risque qu’il est prêt à encourir et également le cadre réglementaire imposé, le positionnement qu’il compte occuper sur les différents maillons de la chaîne de valeur du m-payment (marketing, distribution, traitement des ordres, facturation…). Cela peut également passer par l’entrée sur le marché d’entités tierces, qui font le lien entre les acteurs bancaires et télécoms[2].
La question de l’interbancarité se pose également au cœur du débat. Là encore, plusieurs options sont à étudier, comme par exemple la mise en place d’un système propriétaire ou bien un partenariat avec un réseau international. Au cœur de cette problématique : le coût des commissions appliquées et les conditions d’accès aux systèmes de compensation. Le risque de voir se développer plusieurs communautés de paiements cloisonnées (par banque ou par opérateur) n’est pas à exclure et viendrait considérablement réduire la portée potentielle des offres de m-banking.
Enfin, la question de l’expérience client sera là encore déterminante, à la fois en terme de valeur ajoutée des services proposés, de grille de pricing, mais également de simplicité du parcours client.
Positionnement et jeu d’acteurs
Devant l’éclatement de la chaine de valeur, qui va à n’en pas douter encourager un regain de concurrence, ainsi que l’arrivée d’acteurs tiers sur le marché, les banques et opérateurs télécoms vont être amenées à définir leur stratégie et leur positionnement. Un des points clefs sera l’estimation du retour sur investissement, pour lequel la mesure devra prendre en compte les gains directs mais aussi tous les effets d’entrainement liés à l’augmentation du taux de bancarisation. En effet, l’enjeu de telles offres dépasse le simple facteur technologique ou effet de mode pour constituer une véritable opportunité de développement pour la nation dans son ensemble.
Dans ce contexte, il n’est pas impossible d’assister à la mise en place d’offres globales, exportables d’un pays à l’autre. C’est en tout cas le chemin suivi par eTranzact, implanté au Ghana, au Nigéria, au Zimbabwe, et dont le développement est prévu en Ouganda, en Sierra Leone et en Côte d’Ivoire. On remarque d’ailleurs que, quel que ce soit la diversité des services de m-banking proposés d’un pays à l’autre, les utilisateurs n’utilisent principalement que les fonctions de transferts et de paiements de biens et services[3]. Le développement d’offres globales peut néanmoins se heurter à l’organisation et à la réglementation des systèmes de paiements nationaux, différents d’un pays à l’autre.
Par ailleurs, les banques centrales suivent de près les différentes initiatives de manière à éviter de voir se développer des systèmes virtuels en marge du système financier en vigueur. Les aspects conformité, anti-blanchiment et lutte contre le financement du terrorisme sont également des éléments au centre de leur préoccupation dans le cadre de ces nouvelles offres.
[1]Slogan de la société sud africaine Wizzit
[2]Obopay, en Inde, a créé des partenariats avec six banques indiennes et trois opérateurs pour étendre son service.
[3]The early experience with branchless banking, CGAP, avril 2008.
Articles dans : Retail, Analyses de l'actualité
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