J’entre dans l’automne

Par Angèle Paoli



Triptyque photographique, G.AdC


J’ENTRE DANS L’AUTOMNE

  J’entre dans l’automne avec la fraîcheur de la matinée. Un petit frisson court sous la treille. Mais la pureté du ciel me saisit aux épaules. La journée promet d’être lumineuse.

  Philippe Jaccottet. Un calme feu. « Une rangée de hauts peupliers filtre l’air », hauts peupliers qui longent l’ancienne gare, livrée à l’oubli. La Somme n’est pas loin, qui miroite dans la trouée des feuillages. De là, s’ouvrent les chemins de terre, points de départ des promenades dans les bois roussis de l’automne que baignent les étangs. Chemins de feuilles ocres projections de Pollock, bordés par les mûriers sauvages. Odeurs de mousses gorgées d’eau. Journées tristes, même sous le soleil. Une mélancolie douce enveloppe l’atmosphère, suspend son souffle dans le silence. Il me faudra attendre le printemps pour qu’explose sous la mouvance des nuages un peu de la chaleur promesse de l’été. Les feuilles crissent sous mes pas.

  Dos appuyé au muret de l’enceinte de l’église romane, je savoure la chaleur qui monte au fur et à mesure que s’écoule la matinée. Santa Maria Assunta a ouvert ses portes pour la journée. J’attends. Philippe Jaccottet accompagne mon attente qui n’en est plus vraiment une. Un calme feu brouille les pistes de ma rêverie. Absente-présente à la fois aux terres d’Orient évoquées par le poète, aux peupleraies qui furent longtemps les lieux de mes promenades dominicales, à l’enceinte de l’église romane qui m’accueille aujourd’hui, tout se chevauche et s’emmêle. Le vol Bastia-Paris troue le ciel de part en part. Son vrombissement disparaît, absorbé par la lumière. Les guêpes vrillent l’espace dans lequel je m’inscris. Provisoirement. Je me chauffe au soleil, sur le fil du lézard. Qui file sa trajectoire sur les lauzes.

Canari, le matin du 21 septembre 2008

Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli


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