J'étais jeune, j'usais les bancs de la fac de Nantes, je squattais la machine à café ou tenais mes permanences dans le local de l'Unef à la Censive (n'est ce pas Manuel ?), j'allais au cours de Marie Cartier (entre autres). Une normalienne au parcours royal : bac L, khagnes à H4, Normale Ulm, agrégation de lettres, une pelletée de DEA sous la direction de Christian Baudelot et de Florence Weber, qui dirigera également sa thèse sur la sociologie des facteurs. Elle est fraichement promue maître de conf à Nantes lorsque je suis ses cours. Et tiens, voila qu'elle "parle" dans le journal (La Voix du Nord) à propos de la recherche qu'elle a menée au sein de La Poste.
Marie Cartier, sociologue : « C'est un service public rendu quelle que soit sa condition sociale. »
mardi 23.09.2008, 04:58 - La Voix du Nord
Trois questions à Marie Cartier, sociologue, maître de conférence à l'université de Nantes et auteur de Les facteurs et leur tournée.
En quoi La Poste est-elle un service public particulier ?
« De tous, c'est celui qui est le plus proche des usagers. C'est un service à domicile, accessible, qui facilite la vie de tous et offre un lien plus familier. Le service postal est un service public populaire, surtout vis-à-vis de populations de plus en plus en marge. Ce service est rendu quel que soit le niveau de revenu ou la condition sociale. La symbolique est forte : même les plus pauvres sont reconnus à part entière. »
Mais ce service a déjà connu des changements ?
« En fait, le début de la modernisation date du début des années 80. Tout doucement, la personnalisation de ce service, par le facteur ou le guichetier, est remise en cause. Cette personnalisation repose sur la stabilité des tournées. Or La Poste a introduit un dispositif de mobilité. Et j'ai été frappée, quand j'ai mené mon enquête, de la tension que cela pouvait occasionner, notamment dans les grands ensembles urbains, quand le facteur ne connaissait pas les noms. L'un d'eux a répondu à une gardienne qu'il distribuait le courrier au numéro. Ça a été l'incompréhension. »
Le facteur d'hier n'est plus celui d'aujourd'hui ?
« Les agents de La Poste sont plus diplômés et certains ont d'autres intérêts, comme une carrière. Cela correspond bien à la politique délibérée de La Poste de transformer le métier de facteur, de guichetier, en des métiers plus commerciaux. Il faut bien présenter, donner une meilleure image... La Poste ne met plus en place de travail de "sociabilité" : avant les facteurs étaient d'anciens ouvriers ou paysans. Elle permettait une intégration sociale. »
C'était une autre particularité de La Poste ?
« Par rapport à France Télécom, ou EDF-GDF, La Poste employait plus encore de salariés d'exécution, peu diplômés, avec la spécificité d'offrir un statut d'agent de service public. Or le dernier concours pour entrer à La Poste remonte au début des années 90 et presque la moitié des salariés sont aujourd'hui contractuels. On ne parle que de réformes mais il faut d'abord se poser la question de la définition du service public comme service social. Il est important de garder des emplois protecteurs pour des jeunes qui galèrent. » • RECUEILLI PAR SOPHIE LEROY
Aller plus loin :
Marie Cartier, Les facteurs et leur tournée : un service public au quotidien, La Découverte, 2003.
Lire la note de lecture rédigée par Arnaud Parienty sur le site de la revue Idees, la revue des Sciences Economiques et Sociales.
Lire le billet rédigé par Frédérique de Fred&Ben; sociobloguent, qui n'a rien à voir avec Marie Cartier, mais qui parle quand même de facteur et de tournée.
L'actualité de Marie Cartier : elle a participé à un ouvrage collectif consacré à la sociologie des individus conïncés entre classe populaire et classe moyenne(les "petits-moyens"). Il sorti en mars 2008 aux éditions La Découverte. La fiche est là>>Laisser votre commentaire !