Rien

Publié le 23 septembre 2008 par M.

Je me suis laissée choir sur le côté du lit. J’avais mal aux cuisses. Mon corps était lourd mais sans sueur, et mon souffle long et reposé. Sans émoi, sans émotion. Juste un peu de fatigue, ou de lassitude plutôt. Trois fois rien, quoi.

 

Tu m’as demandé le chemin de la salle de bain. J’ai entendu l’eau couler l’instant d’après. J’ai allumé une cigarette. Remonté le drap sur mon ventre, fixé les yeux au plafond. Sans pensée, sans espoir. Sans rien.

 

Tu es revenu quelques minutes plus tard. Tu avais pris ma serviette de bain, la bleu-marine que j’aimais bien, je t’en ai voulu mais je n’ai rien dit. Tu t’es assis sur le bord du lit et tu m’as regardée. Tu souriais. L’air fier, un peu, ou alors juste satisfait. Tu as pris une cigarette dans mon paquet sans me demander la permission. Puis tu m’as demandé si je voulais un verre d’eau, j’ai répondu que je ne voulais rien. Tu as pris un verre d’eau quand même.

 

Enfin, tu m’as dit que tu t’en allais. Tu as mis encore six ou sept minutes à te rhabiller, puis à chercher tes clés. Tu t’es penché pour m’embrasser, j’ai tendu la joue, pas les lèvres, et tu ne t’es rendu comtpe de rien. Tu as fermé la porte derrière toi, dans son mouvement j’ai senti un peu d’air frais pénétrer l’appartement, la chambre, mon corps. Comme tu l’avais fait un peu plus tôt dans la soirée. J’ai tendu le bras sur le vide de mon lit. De toi, de l’air, de la nuit, il ne restait rien.

 

Un peu plus tard, sous la douche, j’ai pensé à toi pour la dernière fois. J’avais déjà oublié ton corps, ta peau, ton odeur, et jusqu’à ton nom. Tu pensais m’avoir baisée mais tes assauts avaient tout juste effleuré mon enveloppe, ma carcasse, aucun ne pouvait pénétrer mon être. Je revoyais ton sourire, la fierté de ton regard. Stupide. Tu pensais sûrement m’avoir fait jouir, je simulais très bien. Je simulais toujours. Stupide et fier. Fier de quoi ? Je ne t’avais rien donné, ni mon souffle, ni ma sueur, ni mes ongles dans ton dos, ni mes dents sur ton bras. Rien. Tu avais baisé seul. Seul, comme les mille qui t’avaient précédé cette vie-là. Et cette horde de fantômes sans forme ni nom tournoyait au-dessus de moi alors que la vapeur de l’eau brûlante dessinait un nuage dans ma salle de bain. Je sortis de la baignoire, la peau rouge et ruisselante, je m’assis sur le carrelage frais pour regarder le nuage disparaître lentement.

Bientôt, il ne resterait rien.

 

 

  

  

  

  

  

  

 

 

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