Je l’attendais avec impatience! Le journal Le Monde, ainsi que l’explique Eric Fottorino dans l’éditorial de ce soir, ajoute de nouvelles pages à son édition: “ces pages animeront désormais chaque jour le début du journal, afin de mieux répondre encore à la mission du Monde : expliquer le monde tel qu’il est et surtout tel qu’il vient, apporter des des débuts de réponse clairs à des phénomènes complexes“ résume-t-il, avant de poursuivre en expliquant que “le lancement des pages Planète illustre d’abord le dynamisme de notre rédaction, et ce malgré les épreuves sociales du printemps. Notre devoir est de nous renouveler sans cesse, avec des contenus stimulants, capables de répondre à vos besoins de compréhension et à votre exigeante curiosité dans un monde en pleine mutation“.
On ne peut que saluer cette initiative en réalité et cette tournure: “présenter jour après jour les enjeux de la planète, c’est regarder l’actualité autrement, renouveler le regard collectif sur les affaires du monde en vous proposant une information distincte de celle diffusée par les médias immédiats (radio, télévision) et les e-médias. Aussi est-ce à une expérience de lecture différente que nous vous invitons à travers ces pages. Pour un journal imprimé, innover est la meilleure façon de rester soi-même.“
On sent le désir de revenir plus en détail sur l’actualité, l’envie de s’arrêter plus fermement sur les problèmes de fond, et de prendre le temps… dans un monde de zapping. “Nous avons le désir et la volonté que vous vous arrêtiez sur nos titres et sur nos pages, avec le sentiment gratifiant d’avoir appris, d’avoir été surpris, d’avoir été nourris et divertis, d’avoir pris plaisir à apprendre et à comprendre”
Le lancement de l’espace Planète permettra donc d’”appréhender - sans crainte - les grands phénomènes globaux qui, du réchauffement climatique (avec ses conséquences économiques et sanitaires) à la course aux matières premières, des flux migratoires à l’explosion urbaine, de la sécurité alimentaire à la lutte contre les pandémies, donnent la couleur et le visage du monde de demain.”
“Tous ces thèmes prendront place de façon privilégiée dans nos colonnes, sous des formes très variées susceptibles de capter votre attention, avec de multiples entrées donnant la part belle aux reportages, aux histoires, aux portraits, aux paroles d’experts et de ceux qui, là où ils vivent, agissent pour le bien de la planète et le bien-être de ses habitants”. Part belle sera faite aux illustrations, aux cartes et infographies..Naturellement précise-t-il, l’intention “n’est pas d’accumuler dans ces pages un stock accablant de mauvaises nouvelles ! Se borner à rendre compte des catastrophes planétaires, des cyclones, raz de marée, fontes des glaciers et autres destructions forestières serait inapproprié, de même qu’observer les migrations par le seul prisme des réfugiés écologiques ou des sans-papiers désespérés. Au contraire, tout un chacun, individu, entreprise, Etat ou groupe d’Etats, unions régionales ou mondiales, est en mesure d’apporter des solutions aux défis naturels de ce troisième millénaire. Les grandes conférences sur le climat ou contre le sida, pour la sauvegarde de la nature ou de la biodiversité, montrent que les maux de la planète ne succomberont qu’à des actions d’envergure planétaire”.
(…) “Il appartiendra à ces pages, nourries par un service spécifique autant que par les correspondants du Monde à l’étranger, par nos équipes des services international et économique, de détecter, tels de précis et précieux sismographes, les changements profonds et lents, parfois aussi soudains et spectaculaires, qui affectent, agitent et finalement redessinent notre planète“.
Extrait du Monde, version électronique
“Ni écologie militante aux accents catastrophistes, ni malthusianisme, ni scientisme forcené : nous nous situons résolument sur le terrain qui est le nôtre depuis toujours, celui du journalisme qui enquête, pèse, décrit et analyse sans a priori autre que la nécessité permanente d’éclairer notre, votre lanterne sur un chemin incertain, souvent inconnu.”
“Certains auteurs, ainsi la spécialiste du développement Sylvie Brunel, dans son livre A qui profite le développement durable ?, dénoncent l’effet de mode qui saisit à présent l’opinion, les compagnies privées et les gouvernants à propos d’un ” business environnemental ” qui recrute nombre d’écocitoyens aveuglés par de grands prédicateurs éco-évangélistes.”
(…) Seul le futur dira ce que nous réservent ces grands phénomènes naturels sur lesquels l’homme peut avoir une prise et une emprise déterminantes. Où s’invente ce futur ? A nous de tenter d’y répondre, sans croire que la réponse est forcément le malheur de la question. Le rendez-vous est pris. Bienvenue sur notre Planète.”
Je ne le cache pas, je suis une grande lectrice et admiratrice du Monde, et je suis heureuse que ce média comprenne aussi intimement le besoin d’analyse et d’enquête sous un tel angle aujourd’hui!
Extrait du Monde, version électronique
Je ne peux résister non plus à vous citer les derniers paragraphes de l’article de Yann Arthus Bertrand en page 29:
“Le changement peut faire peur. Mais ce que l’on connaît aujourd’hui de l’état de la planète et desconséquences de notre modèle de développement fait plus peur encore… Quel homme politique serait assez courageuxpour imposer à ses électeurs un nouveau modèle de développement basé sur l’économie des énergies et des ressources naturelles? Aucun ! Tous voient le court terme…le temps d’une élection. Car ce nouveau projet ressemble à une décroissance - mot honni par beaucoup : alors appelons celle-ci” adaptation économique “.
Notre modèle de croissance fondé sur l’épuisement de ressources non renouvelables mène à une impasse. Depuis qu’elleest apparue, la vie a toujours évolué sans jamais s’épuiser. En quatre milliards d’années,elle est sortie renouvelée des crises les plus graves. Nous pouvons faire demême. Inspirons-nous de la seule économie durable qui ait jamais fait ses preuves : la nature. Elle puise dans la diversitéla capacité de se régénérer. Elle transforme ses déchets en richesses nouvelles.
Elle ne connaît pas le gaspillage. Nous pouvons consommer moins et vivre mieux, être raisonnables et heureux.Nous pouvons choisir de bâtir un nouveau projet de société qui nous rassemble. A condition que des hommes politiquescourageux montrent la voie à suivre… et que nous soyons prêts à les élire.
Nous sommes au pied du mur. Il est trop tard pour être pessimiste *.”
Yann Arthus-Bertrand
*J’ai emprunté cette formule à Geneviève Ferone, auteur de 2030, le krach écologique,aux éditions Grasset.
Les sables bitumeux de l’Alberta, Yann Arthus Bertrand - En dernière page du Monde, version électronique
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