Chapelle-Chambertin, ça n'est pas dans les Grisons pourtant...

Par Claudeoliviermarti
Il fait sombre, l’air est légèrement humide et sent la terre. Je m’enfonce légèrement dans le gravier, mon regard perdu dans le vide. J’aime cet endroit, calme et serein, je pourrais y passer des heures à regarder, contempler, seul avec mes rêves. Puis j’arrive au casier qui m'intéresse, cet endroit où dorment plusieurs perles rares. Mon choix était fait en rentrant dans la cave, cela sera un Bourgogne.
Restait à choisir parmi les bouteilles bien alignées et couchées. Chambolle-Musigny, Grevrey-Chambertin, Clos de Vougeot, Aloxe-Corton, le choix est vaste. Sur le côté, une Romanée-St-Vivant qui attend patiemment son tour. Mes doigts effleurent les étiquettes qui commencent à être recouvertes d’un léger voile de poussière. Le temps fait son oeuvre.
Ces bouteilles sont comme une sorte de clé pour accéder à une porte sur le passé. A chaque millésime, des souvenirs plus ou moins proches. Plus on remonte le temps, plus les images se troublent pour devenir des souvenirs lointains. Mon regard s'arrête sur une étiquette qui montre des signes de vieillesse. Je la prends délicatement et mon regard s’éclaire lorsque je lis son nom: Chapelle-Chambertin, Grand Cru, 1983, Bouchard...
L’accord met vin devient essentiel. Comment faire honneur à ce nectar presque aussi vieux que moi ? Chapelle est réputé pour être un peu plus fin que le Chambertin, cela sera donc un plat tout en finesse. Ils se marient très bien avec du gibier, pas trop fort. Je l’imagine très bien accompagner un magret de canard, légèrement parfumé à l’orange. Quant à l’accompagnement, mon passage au marché fut fructueux: quelques poignées de petits pois frais encore dans leur cosse et quelques carottes fane. J’étais en train de me revoir petit en train d’écosser ces petits pois chez ma grand-mère quand un Fünf Franken bitte” (5Sfr s’il vous plait) me tira de mes souvenirs.
Oui, encore un risotto. C'est un temps à risotto, il fait frais et nous n'avons pas envie de sortir. Un risotto, c’est très réconfortant non ? ;-) Avec une note suisse! Je faisais tranquillement le tour des étales du marché lorsqu’un jeune homme me dit: "Probieren Sie diesen Bündner Bergkäse!" (Goûtez moi ce fromage d’alpage des Grisons) Proposé si gentiment, je ne pouvais refuser. Pas trop de goût, pas mon style de fromage. Je lui réponds dans un suisse allemand approximatif: Haben Sie nicht einen rezenteren ? (Avez-vous un fromage plus corsé?) Il me tend un petit morceau d’un fromage juste incroyable...une pure merveille! Corsé à souhait et crémeux en bouche...
Magret de canard à l’orange, risotto aux petits pois et carottes ou quand Chambertin rime avec un peu de nos montagnes dans ce festin

------- Ingrédients (2 pers.) -------

1 magret de canard
1 orange non traitée (le jus + moitié des zestes blanchis)
Très bon vinaigre balsamique
200g de petits pois frais
1 botte de carottes fane
Riz pour risotto
1 petit oignon
Vin blanc
Bouillon de légumes
Fromage des Grisons (vieux) ou du parmesan
Mascarpone


---------- Proposition /choix du vin ----------
Une bouteille et une étiquette qui impose le respect. Il y a cependant toujours une petite appréhension avant d’ouvrir pareille bouteille: aura t’il résisté aux assauts du temps? Et le bouchon, dans quel état ? Va t’il sortir sans se casser? Et LA question, celle qui peut ruiner une bouteille hors de prix: Bouchonné?
La bouteille est restée en position verticale dans ma cave pendant un jour, je coupe la collerette en étain. Le bouchon sort, non sans problème...enfin bon, il est dehors, c’est le principal. Verre de dégustation à portée de main, une tombée du précieux nectar. Première chose qui frappe, sa couleur! Encore très rouge pour un vin issu à 100% de pinot noir. Très bon présage, il ne présente pas de robe tuilée qui nous indiquerait un vin sur le déclin. Je porte le verre à mon nez et ferme les yeux. Je retrouve cette finesse du Chambertin avec un petit plus. Des notes plus complexes dû à son grand âge sûrement. Une bouche qui rappelle encore les petits fruits, quel grand moment. On déguste et on savoure ce merveilleux vin !
---------- Préparation ----------
Pour le risotto, c’est là même chose qu’ici sauf qu’il n’y a pas de citron et que le parmesan est remplacé par ce fromage des Grisons. J’ai aussi ajouté les petits pois à la fin de la cuisson, juste avant le service.
Laver les carottes sous l’eau. La peau étant normalement très fine, il suffit juste de les racler avec un couteau bien aiguisé. Couper les fanes et les faire cuire al dente. Réserver. Au dernier moment, faire chauffer un peu de beurre dans une poêle et faire revenir brièvement les carottes pour les réchauffer.
Entailler le côté peau du magret avec un bon couteau (juste le gras, pas la chaire). Faire chauffer une poêle sans matière grasse puis y faire saisir le magret, côté peau en premier. 3-4 min sur chaque face (arroser le magret avec le gras qu’il perd) puis l’éponger sommairement et le mettre dans un papier d’alu. Garder au four à 80-100°C. Retirer l’excédant de graisse de la poêle, déglacer avec le jus de l’orange et ajouter les zestes blanchis (moins amers et moins de goût). Laisser réduire puis ajouter 2 càs de bon vinaigre balsamique et laisser à nouveau réduire pour obtenir une sauce sirupeuse. Au besoin rajouter un tout petit peu d’eau. Découper le magret en lanières et napper avec le jus.
---------- Bon appétit ----------
Accord met vin réussit ? Le risotto n’est pas trop marqué, le magret est fruité avec sa réduction à l’orange mais ne masque pas le vin. Il est vraiment important d’utiliser un vinaigre balsamique de très bonne qualité. S’il est trop acide, inutile d’ouvrir pareille bouteille.
Vous n'avez pas de Chapelle-Chambertin ? Pas de soucis, un autre vin de Bourgogne fera aussi l'affaire. Ou si vous venez sonner à ma porte, qui sait ? ;-)