A lire sur le Figaro : « La crise met les restaurateurs au régime sec ». En tant que blogueur zinfluent spécialisé dans les bistros, il me faut intervenir et disséquer, pour vous, cet article. Tout ce travail me donne soif… mais que ne ferais-je pas pour vous ?
Pourtant, il n’y a pas grand-chose dans l’édito. A la limite, il est presque mensonger en oubliant de rappeler que le nombre de bistros, en France, est en baisse depuis des dizaines d’années (la crise n’est pas ponctuelle) et en ne mettant en avant que des grands restaurants, qui, eux, souffrent beaucoup moins que les petits bistros.
L’entretien avec Danièle Deleval, vice-présidente de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH), est aussi édifiant.
« Les Français ont toujours tendance à déjeuner de moins en moins souvent chez eux à midi, mais ils privilégient les boulangeries, les sandwicheries et les grandes enseignes de restauration rapide, au détriment de tout le reste. La situation est particulièrement difficile pour les établissements qui proposent des tarifs entre 16 et 30 euros ». Je me demande si les métiers et industries de l’hôtellerie sont bien dirigés… Qu’on m’explique comment les boulangeries et autres machins concurrencent des boutiques où l’on mange pour 20 euros ?
Finalement, je suis assez déçu par ce dossier comme de beaucoup de choses que je lis dans la presse spécialisée, souvent rédigée par des pingouins qui n’ont pas mis les pieds derrière un rade depuis des années.
Tiens ! L’histoire de la TVA à 5,5%. Ca fait des années qu’on en parle et ça fait moins d’un an qu’ils arrivent à sortir le bon argument : la concurrence. Un bistro ne peut plus gagner d’oseille avec un sandwich à 3 euros si son voisin, boulanger (celui qui lui vend le pain), en vend à 2,5%. D’autres en parlent depuis bien plus longtemps. Ils nous sortaient le coup des baisses de tarifs, de la création d’emplois… alors que c’est la survie des commerces dont il s’agit !
Il est temps qu’une étude sérieuse soit menée sur le sujet, pas qu’on se contente d’interviewer des vieux brasseurs qui assistent, sans bouger, au délabrement de leur boutique en pestant contre l’entreprise d’à côté qui a installé des distributeurs de cafés…
Sérieuse ? Oui ! Tout doit y passer, même la météo : on a eu deux étés pourris consécutifs (le hasard ou un bouleversement profond ? La question n’est pas là)… Ca ne donne pas vraiment envie de s’attabler prendre une bière ! Comment voulez-vous avoir envie de dîner dehors avec le temps qu’on a depuis quinze jours ou trois semaines ?
Tout doit y passer, même la religion. Pas de bol ! Cette année, le Ramadan tombe à la sortie d’un été pourri. Résultat : les affaires ne redémarrent pas et le moral est en berne.
Tout doit y passer, même la crise économique et la stagnation des salaires (boire trois demis le soir coûte une heure de travail à un SMICard, faites le calcul !).
Tout doit y passer, même une évolution lente de la société, parce que les détails conjoncturels (météo et Ramadan) ne laisseront leur place qu’à d’autres détails conjoncturels ! Qu’on arrête de nous les gonfler avec l’interdiction de fumer qui n’a joué sur la fréquentation des bistros qu’à la marge mais qui a permis de regonfler une nouvelle catégorie de clientèle : les non fumeurs… qui restent largement majoritaires. Les fumeurs alcooliques n’ont pas arrêté de boire… et il devient possible de manger au resto en famille.
Peut-être que la baisse est inéluctable, la société continue d’évoluer défavorablement (tant que les gens seront payés trois demis de l’heure et auront deux heures de transport par jour, les bistros resteront vides). Mais les professionnels du « métier » devraient d’abord réfléchir à leurs propres établissements. Et tant qu’ils continueront à participer joyeusement à la hausse de l’immobilier et du prix des fonds de commerce, ils continueront à s’enfoncer dans une spirale infernale qui fait que tous les bistros finiront par être rachetés par « multinationales » (type Flo, France Boisson, …).
Et les bistros auront perdu leur âme.