La privatisation de la Poste engagée de façon insidieuse depuis deux mois constitue l’un des derniers grands coups de butoir contre la notion de service public à la Française. Obnubilée par une libéralisation à tous crins, l’Union Européenne, sous prétexte de concurrence libre et non faussée, est engagée dans une voie destructrice qui suscite de légitimes inquiétudes.
En France nous avons nos particularités et notamment une certaine idée de l’aménagement du territoire et du rôle de l’Etat. A ce titre La Poste et ses 12.000 bureaux répartis sur tout le territoire, constitue tout comme la SNCF des services publics qui pendant des décennies ont été le cœur de la république et le ferment du sentiment d’appartenance à une communauté qui s’appelle la France.
Face aux résistances qui se dessinent des 300 000 postiers et du monde rural, on a beau jeu de nous garantir que contrairement aux « affirmations simplistes » il n’est nullement question de privatiser l’opérateur postal. Point de souci donc, on a trouvé mieux que le service public : des entreprises privées à qui on confie un service universel dont le respect est garanti par des missions inscrites dans la Loi.
Selon les tenants de cette audacieuse théorie, le service public sentirait le renfermé et plierait sous le poids de la poussière qui en gripperait tous les rouages. « Il » serait notamment incapable d’évoluer, de moderniser ses infrastructures. L’argument est insidieux. En clair, le privé gérerait mieux que le public. Comparons ce qui peut l’être. Les objectifs ne sont pas les mêmes.
Les usagers savent eux en pratique qu’il vaut mieux habiter dans une commune où la distribution de l’eau est assurée par des régies publiques plutôt que des grands groupes spécialisés dans le domaine de l’environnement. Les factures sont généralement moins salées et les réseaux à la fin de la concession en meilleur état.
Que nos services publics manquent de liquidités pour assurer leur modernisation c’est un fait et une impasse. L’Etat Français désargenté est incapable d’assumer son rôle de financeur. Est-ce une raison pour jeter le bébé avec l’eau du bain ? Sans doute pas.
L’Union Européenne avec ses exceptionnels moyens financiers pourrait, si elle avait d’autres ambitions, se lancer dans la constitution d’un réseau de services publics efficients et homogénéisés porteur du germe de l’identité européenne. Il lui suffirait dans un premier temps de se substituer progressivement aux Etats nationaux dans leur fonction de principal actionnaire.
Nous avons su par le passé dans notre pays faire fusionner des services de l’énergie ou des transports morcelés. Toujours pour le meilleur et pour tirer vers le haut. Au partage de l’espoir les libéraux européens nous proposent aujourd’hui le partage de la résignation et la privatisation des recettes. On aime à dire en droit public que l’intérêt général n’est pas constitué de la somme des intérêts particuliers. Le principe à l’évidence n’est pas partagé.