(voir aussi l'entretien accordé par Guy Millière au blog drzz en avril 2008)
Nom :
Guy MILLIERE
CV
Titulaire d'un doctorat du troisième cycle en littérature, d'un autre en Sociologie culturelle et d'un doctorat d'État en Philosophie /
Enseignant à l'Université de Paris VIII en Licence d'« Information et communication » /
Titulaire d'un "Master of Sciences in Economy" de l'Université de Stanford /
Visiting Professor à la California State University, Long Beach /
Conférencier pour la Banque de France /
Enseignant à Sciences po /
Conseiller auprès de l’Union européenne en bioéthique et biotechnologie /
Éditorialiste à la Metula News Agency, Israël Magazine, FrontPage Magazine, Les Quatre Vérités, upjf.org... /
Membre du comité de rédaction d'Outre-terre, revue de géopolitique dirigée par Michel Korinman /
Rédacteur en chef de la revue Liberalia de 1989 à 1992 /
Vice-Président de l'Institut de l'Europe libre et Directeur délégué /
Membre du Conseil scientifique de l'Institut Turgot /
Président de l'Institut Turgot /
Ses derniers livres :
- L'Amérique et le monde après Bush, Editions Cheminements,
septembre 2008
- Mille et une vies, Editions Cheminements, mars 2008
- L'Islam radical à la conquête du monde (traducteur), Editions Cheminements, mars 2008
- Michael Moore, l'ultime imposteur, Editions du Rocher, janvier 2008
-
Houdna, Editions Underbahn, novembre 2007 (commander sur le site de
l'éditeur)
- Pourquoi la France ne fait plus rêver, Editions Page après page,
mai 2006
- Le futur selon George W. Bush, Page après Page, octobre
2005
- Pourquoi Bush sera réélu, Editions Michalon, septembre
2004
- Qui a peur de l’islam ? Editions Michalon, mars
2004
- Ce que veut Bush,
Editions La Martinière, mai 2003
- Écrits personnels de Ronald Reagan, Traduction, présentation, et annotations de Guy Millière,
Editions du Rocher, janvier 2003
- Un goût de cendres…, Editions
François-Xavier de Guibert, avril 2002
- L’Amérique monde, Editions François-Xavier de Guibert, novembre 2000
Voir aussi Interview exclusive avec Guy Millière (1)
DRZZ : L’arrivée de Sarah Palin comme candidate à la vice-présidence a littéralement enthousiasmé les Républicains. Vous qui avez connu Ronald Reagan, pensez-vous comme certains conservateurs que Palin incarne le retour de l’esprit reaganien au sein du GOP ?
MILLIERE : L’esprit de Reagan continue de surplomber le discours républicain, et Reagan est toujours cité dans le camp républicain comme la référence suprême, à juste titre à mes yeux. L’ « esprit reaganien » n’a jamais disparu, et il n’a donc pas à faire son retour. Bush s’est réclamé de Reagan à de nombreuses reprises. John McCain n’a, lui-même cessé de le faire tout au long de sa campagne bien avant de choisir Sarah Palin. Les républicains avaient l’humeur sombre depuis 2005-2006 : la guerre en Irak ne se passait pas très bien et s’éternisait, le Congrès dépensait sans compter et Bush, totalement centré sur la nécessité de gagner la guerre, laissait faire. Après la victoire des démocrates aux élections de 2006, les républicains se préparaient à l’idée que le successeur de Bush serait un démocrate. Ils s’attendaient à Hillary Clinton. L’étoile d’Obama a ensuite commencé à monter, et l’ascension de celui-ci semblait irrépressible. Aucun candidat républicain ne faisait l’unanimité. John McCain suscitait des réticences chez nombre de conservateurs qui lui reprochaient d’être trop modéré sur certains dossiers, tels que l’environnement ou la recherche sur les cellules souches. Au cours des derniers mois, la situation en Irak a changé grâce à la stratégie mise en œuvre par le général Petraeus et préconisée depuis longtemps par McCain. McCain a tenu un discours aux tonalités très reaganiennes, ce qui a levé bien des réticences. Le choix de Sarah Palin est venu s’ajouter : non seulement les dernières réticences qui pouvaient subsister ont été levées, mais les républicains se sont dits que c’était un choix extraordinaire : une femme clairement conservatrice, issue de l’Amérique profonde, jeune et donc susceptible d’assurer l’avenir. Il y a Sarah Palin, mais il y a la stratégie de John McCain, et celle-ci a été, pour l’essentiel, remarquable. Les démocrates ont compris le danger dès la nomination de Sarah Palin, et c’est pour cela qu’ils ont mené contre elle une campagne de diffamation absolument féroce, voire dégradante. Cette campagne, pour le moment, s’est retournée contre eux. Et John McCain avait anticipé cela aussi.
DRZZ : Depuis le
printemps dernier, vous écrivez qu’Obama va perdre l’élection générale. Vous n’êtes pas le seul, d’ailleurs. Norman Podhoretz, Daniel Pipes et Victor Davis Hanson l’ont dit eux aussi. Est-ce que
l’évolution de la campagne renforce ou affaiblit votre conviction ?
MILLIERE :On peut ajouter à la liste un autre de mes amis, David Horowitz, qui va jusqu’à prévoir désormais une victoire très nette de John McCain.
Peut-être est-il porté par un excès d’optimisme : on verra. J’ai toujours pensé que l’ascension de Barack Obama reposait sur des artifices de communication et sur du vide : j’ai pensé
que la candidature Obama se dégonflerait comme une bulle de savon, car elle n’avait pas davantage de consistance. Je ne voyais par ailleurs pas
comment un homme si à gauche, et qui a un passé aussi chargé de fréquentations douteuses, pourait ne pas trébucher : dans la liste des amis d’Obama, il n’y a pas que Jeremiah Wright, pasteur
charismatique, gauchiste et antisémite, il y a aussi Bill Ayers, terroriste non repenti, Tony Rezko, homme d’affaire véreux lié au régime défunt de Saddam Hussein, Rachid Khalidi,
« activiste » palestinien. La défaite des républicains ne pouvait, le cas échéant, selon moi, venir que de leurs faiblesses et de leurs déficiences.
La cote d’Obama reste élevée et sa victoire, bien qu’improbable, n’est pas de l’ordre de impossible : les Américains veulent du changement et ce n’est pas un
hasard si ce mot est à ce point prononcé dans la campagne. Néanmoins, la bulle est en train de se dégonfler. On peut compter, cela dit, sur les grands médias américains pour jouer leur va tout,
jusqu’au bout, en faveur d’Obama : ils ont misé leur crédibilité sur lui. On peut compter sur une frénésie de la gauche et de l’extrême-gauche aux fins de déstabiliser McCain et Palin :
l’agressivité de la gauche envers les conservateurs dans le pays est vive et très perceptible. Il existe une frustration exacerbée de la gauche à l’idée de voir les républicains conserver le
pouvoir. La gauche caviar de Hollywood va faire tout ce qu’elle peut, elle aussi : entre autres, un film très caricatural d’Oliver Stone sur Bush, appelé W, va sortir un mois avant les élections. On peut s’attendre à des discours de culpabilisation en direction de l’électorat. L’instabilité des marchés
financiers sera utilisée par la gauche pour faire peur, et dire qu’elle a des solutions miracle. Je pense néanmoins que si McCain et Palin ne font pas d’erreurs majeures, si les débats télévisés
se passent bien, Obama ne sera pas élu. J’ajouterai, comme je le fais dans une postface à mon nouveau livre, que même
Si on me dit, par ailleurs, qu’Obama a permis de tourner la page de la discrimination envers les noirs aux Etats-Unis, je répondrai que cette
page était déjà tournée avec Colin Powell et Condi Rice occupant des positions de pouvoir très importantes, ou avec Clarence Thomas, juge à la Cour suprême, l’une des fonctions essentielles du
pays. Je crains, par contre, qu’une éventuelle défaite d’Obama ne soit attribuée au racisme, ce qui, si les noirs américains en grand nombre le percevaient ainsi serait délétère.
D’excellentes analyses ont été menées à ce sujet par Shelby Steele, intellectuel noir conservateur.
DRZZ : Si vous spéculons : que seraient quatre ans de
présidence McCain et quatre ans de présidence Obama ?
MILLIERE : C’est effectivement de la spéculation. Je ne rentrerai, pour cette raison, pas dans des détails trop précis. Une présidence Obama, ce serait aux Etats-Unis une impression de
triomphe pour la gauche radicale, les pacifistes, les féministes, les écologistes, les syndicalistes. Ce serait, c’est la seule note positive, la fin des dirigeants noirs jouant sur les tensions
raciales tels que Jesse Jackson ou Al Sharpton. Ce serait l’enthousiasme immédiat en Europe, dans le monde musulman, chez nombre de dictateurs. Ce serait ensuite une politique économique nuisible
au dynamisme américain, et donc créatrice
Une présidence McCain accentuerait les tensions au sein de la société américaine, dans un premier temps tout au moins. Elle susciterait la consternation en Europe, dans le monde musulman et chez nombre de dictateurs. Sur un plan économique, elle supposera une remise en ordre du système financier américain, le maintien des baisses d’impôts mises en place sous Bush, voire leur accentuation. La croissance américaine, en ces conditions, devrait repartir. Dans le domaine de la politique étrangère, McCain poursuivra la politique de fermeté mise en place sous Bush, voire l’accentuera. Un endiguement net de la Russie, de la Chine et de l’Iran sera une priorité. L’idée d’une ligue des démocraties sera avancée, et McCain fera tout pour qu’elle voie le jour. L’insistance américaine pour que la Géorgie et l’Ukraine entrent dans l’Otan se fera plus forte. Une présidence McCain serait infiniment meilleure pour la sécurité d’Israël, mais aussi pour la sécurité de l’Europe, ce que les Européens, en leur grande majorité, ne voient pas du tout. Elle serait meilleure, en outre, pour les économies européennes : ce que les Européens, en leur grande majorité, voient encore moins
DRZZ : Finalement, le monde après Bush, est-ce le monde après les néoconservateurs ? Ici s’affrontent la vision de Norman Podhoretz et celle de Francis Fukuyama. Laquelle remporte votre adhésion ?
MILLIERE
:Je ne pense pas du tout que le monde après Bush ce sera le monde après les
néoconservateurs. Si McCain est élu, ce sera une victoire pour la pensée néoconservatrice, et je dois d’ailleurs rappeler qu’en 2000, c’était McCain, et non Bush, qui avait le soutien des
néoconservateurs. Je peux ajouter que Robert Kagan a totalement raison lorsqu’il dit, dans un article publié pendant l’été dans le World Affairs
Journal, que, fondamentalement, toute la politique étrangère américaine depuis les origines correspond aux orientations de politique étrangère dites néoconservatrices. La vision de Norman Podhoretz, pour qui j’ai estime et amitié, me semble très lucide : elle consiste à dire, comme Robert Kagan, que le combat entre
totalitarisme et liberté est fort loin d’être achevé et est en train de se poursuivre aujourd’hui.
Ni Kagan ni Podhoretz ne sont bellicistes, comme je l’entends dire : ils constatent qu’une guerre est menée contre les sociétés libres et que celles-ci doivent se défendre ou sont condamnées
à périr. Nous ne sommes pas dans la fin de l’histoire dont a parlé Francis Fukuyama, quelles que soient les explications
Barack Obama semble penser, lui encore, que l’histoire est achevée. On peut espérer que ce n’est pas dans le bureau ovale de la Maison Blanche, mais de retour chez lui à Chicago, qu’il découvrira
qu’il a tort. Découvrir qu’on a tort lorsqu’on se contente d’écrire ou de parler est une chose. Découvrir qu’on a tort lorsqu’on est Président des Etats-Unis, cela peut coûter des milliers, voire
des millions, de vies humaines.