Des dizaines de milliers de bébés chinois sont malades d’avoir bu du “lait frelaté”. Quelques-uns sont morts. Et on en parle beaucoup, ces jours-ci. Le JDD, Le Point, Le Nouvel Obs, Le Monde, 20minutes - pour ne citer qu’eux- s’en sont largement fait l’écho. Et ils ont désigné le coupable: la mélanine, ajoutée au lait pour “booster” sa teneur en protéine.
Ils se sont tous trompés, puisqu’il s’agit en fait de mélaMine et non de mélaNine. Une erreur d’une lettre, certes, mais elle est lourde de sens puisque ces deux produits chimiques n’ont rien, mais alors rien du tout, en commun.
A ma gauche, la mélanine, ou plutôt, les mélanines, pour être rigoureux. Sécrétées par les humains notamment, elles sont responsables de la couleur de la peau, des cheveux et des yeux. En gros, un Congolais a une concentration en mélanine plus importante qu’un Norvégien. Et, à cause d’une anomalie génétique, un albinos, n’en sécrète pas du tout. Ce qui le rend très sensible aux rayons du soleil puisque la mélanine agit comme une barrière contre les UV du soleil. Des siècles et des siècles de ségrégation, de racisme et d’esclavage dûs à une simple molécule…
A ma droite, la mélamine, responsable du scandale du “lait frelaté” en Chine. C’est un composé chimique utilisé, sous forme de résine, pour fabriquer des colles et des plastiques, ou encore du “stratifié décoratif”, autrement dit, du Formica®.
Quel est l’intérêt d’en ajouter au lait ?
Les laits destinés à la consommation doivent contenir une proportion minimale en protéines. Avant d’être commercialisés, les autorités sanitaires déterminent leur concentration en protéines par la méthode de Kjeldahl, du nom d’un chimiste danois, employé, au XIXe siècle par Carlsberg, la célèbre marque de bière.
Les protéines sont des “chaînes” d’acides aminés, des molécules contenant des atomes d’azote. La méthode de Kjeldahl consiste à mesurer la quantité d’azote dans un échantillon pour en déduire, par le calcul, la concentration en protéines. La molécule de mélamine (C3H6N6, ou 1,3,5-Triazine-2,4,6-triamine pour les intimes) contient 6 atomes d’azote. Lors des contrôles, on a mesuré la quantité de composés azotés (protéines + mélamine) du “lait mélaminé” pour en déduire une concentration -erronée et surévaluée- en protéines. Et tous ces lots ont été mis sur le marché avec un blanc-seing des autorités sanitaires. Avec les conséquences que l’on sait.
Question subsidiaire: risque-t-on de trouver de la mélamine dans la bière ?
Aucun risque. Les brasseurs cherchent des grains de malt avec une teneur aussi basse que possible en protéines puisque moins le malt en contient, plus il fournit de bière…