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La panne

Publié le 22 septembre 2008 par Castor

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- Bien, que se passe-t-il M. Briand ?
- Je crois que cela recommence docteur. Une rechute. J’avais connu une période faste jusqu’au mois de janvier. Et là, c’est la panne. Plus aucune idée. Je me lève le matin, plein de mes rêves nocturnes, fermement décidé à coucher sur le papier toutes mes idées. Et … rien. Je bloque, je sèche. Je reste devant l’écran de mon ordinateur à mâchonner le capuchon de mon crayon, à boire des cafés, à surfer sur le net à la recherche d’une inspiration virtuelle. Je reste ensuite toute la matinée à rêvasser sans accoucher d’une seule ligne. Il est alors temps de déjeuner. L’après-midi n’est guère plus productive. C’est difficile à vivre, surtout qu’il s’agit de mon métier à présent. Il en va de ma survie artistique bien sûr … mais pas uniquement. C’est aussi mon unique source de revenu. Et mon éditeur est intraitable quand il s’agit de délai.
- Combien de temps vous reste-t-il avant la remise de votre manuscrit à votre éditeur ?
- A peine un mois. C’est une situation désespérée.
- Je ne suis pas certain que je sois la personne la plus indiquée pour résoudre votre problème M. Briand. Ici, faut-il vous le rappeler, vous êtes dans un cabinet médical et pas …
- Arrêtez ! Je vous ai toujours fait confiance et vous ne m’avez jamais déçu. Rappelez-vous, lorsque ma femme m’a quitté. Vous m’avez fait la même remarque. Vous vous jugiez incompétent pour résoudre les peines de cœur, que vous ne guérissiez que le muscle et non pas les sentiments, que votre cabinet était médical et pas matrimonial. Et pourtant, en vous poussant un peu, vous m’avez été de précieux conseil.
- Je n’étais plus vraiment dans mon rôle de médecin à ce moment. Nous avions terminé la consultation puis la conversation a dérivé sur les difficultés du couple en général et sur le ton de la confidence, vous en êtes arrivé à me confier certains détails intimes.
- Vous m’y avez encouragé par votre silence et votre oreille attentive !
- Ecoutez, tout cela est du passé à présent.
- Vous m’avez suggéré de tromper ma femme pour tester notre couple. Vous vous en souvenez ?
- Je n’ai pas formulé l’idée aussi directement…
- Non, peut-être. Mais, globalement, le message était là, quelque soit la formulation précise. Et, j’ai suivi vos instructions. Il y avait cette jeune stagiaire, un peu allumeuse, qui me tournait autour depuis un certain temps. Il n’a pas fallu beaucoup la pousser pour qu’elle cède à mes avances.
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- Vous êtes donc passé à l’acte ?
- Vous êtes mon médecin et j’ai à cœur de suivre vos prescriptions. La mise en scène était parfaite. J’ai invité Stéphanie à prendre un verre après le travail, prétextant une envie de me confier à elle. Je lui ai déclaré ma flamme, la couvrant de compliments sur son allure, sa beauté, son efficacité professionnelle.
- Vous mélangez tout.
- Je faisais surtout tout ce que je pouvais pour concrétiser des regards ambigus de pauses café en mise en scène de partie de jambe en l’air. Après quelques cocktails, je lui ai proposé de découvrir ma collection de vinyles chez moi. Nous étions dans le timing.
- Quel timing ?
- Ma femme était à ses cours de yoga et ne devait rentrer qu’à 22h00. Nous avons commencé par écouter un collector de Wilson Pickett puis j’ai baissé le rythme et enchainer sur des ballades d’Otis Reding. J’avais observé que durant le trajet, elle avait défait deux boutons de son chemisier, découvrant les formes arrondies de sa poitrine et la lisière en dentelle de son soutien-gorge. Sur « these arms of mine », je lui ai proposé de faire quelques pas de danse. Joue contre joue, nos corps se sont rapprochés. Je sentais sa poitrine collée contre mon torse, son bassin tournoyait autour du mien. Elle dégageait une odeur de fleur fraichement coupée. J’ai posé mes mains sur ses hanches, resserré mon étreinte puis lentement, ma joue s’est décollée et je l’ai embrassé à la commissure des lèvres. Elle …
- Vous êtes obligé d’entrer dans tous ces détails ?
- Vous, vous n’avez pas lu mon dernier livre « l’âme bleue » ! Si c’était le cas, vous m’auriez déjà arrêté pour m’informer que vous connaissiez déjà tous ces détails. Cette aventure m’aura au moins permis de trouver le fil de mon dernier roman. Peu de personnes ont compris que chacune des descriptions et situation décrite était autobiographique.
- Et bien, voilà une belle source d’inspiration ! Mais, il me semble que nous dérivons. Qu’avez-vous exactement qui justifie votre présence dans mon cabinet ? En quoi puis-je vous aider médicalement ?
- Je vous l’ai dit. Je n’ai plus d’inspiration pour écrire. Alors, la nuit, je ne dors plus.
- Vous souhaitez des pilules pour retrouver le sommeil ?
- Non, prescrivez-moi des idées, de la concentration, de l’éloquence, du talent.
- Vous divaguez M. Briand !
- Continuez …
- Mais, c’est insensé et vous le savez. Si je me suis laisser aller à quelques conseils pour que vous retrouviez votre femme en fin de séance, je ne voudrais pas que cela devienne une habitude. Et votre femme, vous êtes toujours ensemble ?
- Non, Docteur. C’est fini entre nous. Enfin surtout pour elle. Elle est décédée. Je l’ai tué.
- Pardon ?
- J’ai suivi vos conseils, Docteur. Je l’ai rendu jalouse. On peut même dire morte de jalousie. Elle s’est donnée la mort quelques heures après ce qu’elle a interprété comme un adultère. J’en ai tiré une excellente histoire.
- Vous me faites peur …
- C’est un bon début.

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