Comment viennent vos premières idées pour créer un nouveau concept de jeu ? D'une expérience vécue sur un autre jeu ? D'un scénario ? D'une idée de gameplay spécifique ?
Frédérick Raynal : Oui de tout ça, et des films, des lectures, des conneries faites avec les copains en sortant de l'école, merci de poser la question. En fait, je crois que la question n'est pas d'où viennent les idées, mais comment un nouveau jeu se construit dans votre tête ? Les idées viennent de partout, ce qui compte c'est comment on pense pouvoir créer un jeu avec elles. Pour moi ça commence plus par l'idée d'un système, même pas encore forcément un gameplay complet, mais une envie de manipulation, un «j'aimerais pouvoir faire ça » ou « vivre telle ou telle situation ».
Paul Cuisset : Pour l’origine du concept, il n’y a pas vraiment de règle, en tout cas pas de démarche vraiment consciente au départ. C’est parfois une envie ou un besoin. Tout peut-être source d’inspiration. Il m’est même arrivé d’avoir certaines idées en rêve… Mince, je bosse même quand je dors ! Dans un deuxième temps, en règle générale, j’essaye d’aborder les choses sous un angle différent ou décalé par rapport à ce qui existe déjà. Je retiens l’idée si elle me parait apporter son petit quelque chose de nouveau. J’essaye de prendre des risques et de m’engager sur des chemins que je sais dangereux. Ce n’est pas toujours heureux, mais c’est ce que j’aime faire.
Selon vous, quelles sont les étapes qui vous paraissent les plus importantes dans la production d'un jeu ?
F.R : Le début et la fin.
P.C : On est d’accord : une bonne pré-prod et assez de temps pour les tests ! Malheureusement c’est encore souvent un luxe d’avoir les deux. La phase que je préfère est l’Alpha. C’est à ce moment là que le jeu commence vraiment à prendre forme et que je peux le « sentir ». Mais c’est aussi la période de tous les dangers parce que c’est le moment des grandes et difficiles décisions.
Qu'est-ce qui vous parait le plus difficile dans le métier de game designer ?
F.R : Le game design ! Mais pour quand même dire quelque chose, je dirais : au sein d'un projet, d'avoir besoin de jeter une bonne idée mais qui ne le serait vraiment que dans un autre contexte.
P.C : Pour moi, le plus dur c’est de savoir s’arrêter et de résister à l’envie d’en rajouter encore et encore. Un gameplay ne se résume pas à un catalogue d’idées, il faut savoir trancher. Mais c’est difficile aussi de trancher : Quand faut-il écouter les autres et quand faut-il ne pas tenir compte des avis extérieurs. Comment accepter les changements sans trahir sa propre vision ?
Le plus sympa ?
F.R : Les filles et l'open bar.
P.C : Que rajouter après ça ? Le maître a parlé :-).
Si vous aviez un seul conseil à donner à un jeune game designer ?
F.R : To make it big, think it small. Le scénario n'est que ce qui prolongera le plaisir de jouer, mais il ne le crée pas. Ça fait deux ça non ?
P.C : Moi j’en donnerai qu’un seul : n’écoute pas les conseils !
Avez-vous le temps de jouer pour votre plaisir ? Quels jeux avez-vous apprécié récemment ?
F.R : Oui mais pas longtemps. Les TrackManias sur PC, Soul Bubbles sur DS, Crysis , Zelda DS, plein de «petits » jeux (il n'y a pas de petit jeu) freeware ou shareware souvent bien plus frais que certains gros jeux (ça, ça existe les gros jeux).
P.C : Je joue pas mal avec ma fille de 9 ans. Cela me permet aussi de regarder ce qui se fait dans d’autres domaines que ceux que j’apprécie personnellement.
Quelles sont les jeux qui vous ont le plus marqué ces cinq dernières années ?
F.R : Ico, In Memoriam (non je fayotte pas !), Far Cry.... C'est dur de se souvenir, je reviendrais éventuellement sur cette question plus tard dans ton blog.
P.C : La série des « Guitar hero » a sûrement réveillé la rockstar frustrée qui sommeille en moi. Comment aussi ne pas être ému devant Ico ou Eternal Sonata. Dans un autre genre, j’ai aussi aimé Mass effect et Fahrenheit.
A votre avis, quelles sont les expériences de jeux inédites auxquelles nous pourrions assister dans les années qui viennent, quelles nouvelles tendances voyez-vous arriver ?
F.R : Héhé, tu voudrais bien le savoir ! Je crois que de manière générale l'évolution des interfaces de contrôle vont continuer à rapprocher l'activité mise en scène par le jeu et ce que fait physiquement le joueur, que les réseaux vont pousser les joueurs à plus s'impliquer personnellement dans ces univers alternatifs et par extension qu'ils (les joueurs) participeront de plus en plus à la création du contenu ludique.
P.C : Après une séance de WiiFit pourquoi pas un petit coup de WiiSauna ?
Illustration : Little Big Adventure, 1994 / Fade to Black, 1995.