À Montpellier l'autre jour. Des femmes hurlent à pierre fendre. Un mec aussi. Bousculade. Je reste interdit, la petite tasse brûlante juste au bord des lèvres. Ça se passe pile devant la terrasse. Ça se poursuit.
— Voleuse !
— Salope !
— Chienne !
— Arrêtez !
Un type apparaît, maillot de l'équipe de France tout déchiré sur le ventre. Il gesticule, prend une des deux furies par les épaules et la tire derrière, l'éloigne de la bagarre. Tout devient calme. Puis elle se dégage en criant derechef. L'autre la bloque.
— Voleuse !
— Tzigane de merde !
— Chienne !
— Arrêtez !
Le fan de foot argumente avec celle qu'on croit être sa femme. Elle tente encore fois de retourner au pancrace et gigote comme un poisson hors de l'eau. Il réussit sans ménagement à la plaquer au mur et l'amène cette fois derrière le coin du bâtiment. Nous respirons tous, mais à peine arrivé derrière la boîte postale, le même type au maillot bleu fonce comme un boulet dans l'attroupement des femmes restées dans la rue. Il s'empare de la poignée d'une poussette dans laquelle une minuscule fillette pleure à chaudes larmes. Il a l'air de vouloir projeter le landau par terre ! Il n'a pas le temps. Un poing a surgi de nulle part, qui atterrit directement au milieu de son visage. Floc. Ni une ni deux, le type fait demi-tour, court vers sa femme et la prend par la main. Dans leur fuite, ils crient encore.
— Voleuse !
— Salope !
Le quidam qui a servi l'uppercut se masse les jointures. Il enlève ses lunettes. Petit, bien propre, il l'air maghrébin, bibliothécaire, prof de maths ou vendeur de filtres à air. Ordinaire, quoi.
— Salope !
— Voleuse !
— On arrête, là ! On arrête !
Je ne saurai jamais ce que cette voleuse voulait voler. Peut-être la quiétude d'une très belle journée d'automne. J'avais qu'à me lever pour demander, si je voulais vraiment savoir. Je regardais le passant à la main enflée en espérant qu'il perçoive toute mon empathie lorsque mes yeux se sont mis à pleurer tout seuls.© Éric McComber