Dans le milieu du football, il est des rumeurs qui roulent bien plus vite qu'un ballon. L'une des plus récentes voudrait que
Claude Makelele, le retraité repenti de l'équipe de France, soit plus vieux que les 34 ans de son âge officiel. "Maké", né au Zaïre, sur un continent noir où l'état civil est longtemps resté
d'une rigueur toute relative, serait en réalité un vigoureux quadra. Difficile de juger du bien-fondé de ces bruits, mais les questions d'âge n'en finissent décidément plus de rebondir sur les
pelouses et les bancs de touche.
Guy Roux aura été en l'espèce la vedette incontestable de ce début d'été. L'Yonne n'est pas le Zaïre et, a priori, même dans le
redouté triangle des Bermudes icaunais, les registres municipaux semblent fiables. L'ancien coach auxerrois a donc bien soixante-huit ans, un âge qui, selon les réglements de la Ligue de
football professionnel (LFP), aurait dû lui interdire d'entraîner à nouveau. Limite de péremption dépassée, "condamné" à monnayer sa science contre quelques écus dans les cabines de commentateur
de Canal et à donner des maux de tête à ses anciens confrères, rarement épargnés par son incontestable science du jeu et ses analyses pertinentes…
Seulement voilà, Guy Roux se voyait mal en Antoine Pinay du ballon rond, délivrant ses sentences du haut des tribunes comme l'ancien ministre des
finances du général de Gaulle de sa retraite de Saint-Chamond. L'action lui manquait et le fait est qu'il n'a pas longtemps résisté à l'appel du terrain lorsque Gervais Martel, le
président du RC Lens, lui a proposé de prendre en main les destinées sportives de son club. Restait un détail : comment faire fi de ce désormais fameux réglement 653-5 de la LFP interdisant à un
entraîneur de plus de 65 ans d'exercer auprès d'un effectif professionnel ? En ruant dans les brancards, en alertant la presse, en en appelant aux plus hautes autorités de l'Etat et du sport et
ça, le Guy y sait faire ! Empêcher de travailler un "vieux", en ces temps de redressement national, où le culte du travail ira bientôt jusqu'à faire porter leur cerceuil par les macchabées
eux-mêmes, l'affaire était proprement inconcevable ! Heureusement, le CNOSF a tranché et la LNF n'a eu qu'à s'incliner et à accorder sa dérogation au nouveau coach lensois, en attendant
de mettre en conformité sa propre législation avec le droit du travail.
Une question se pose pourtant : un entraîneur moins médiatisé que lui aurait-il eu aussi facilement gain de cause ? Au final, sans
doute, car, légalement, cette interdiction ne tenait pas la route. Mais aurait-il si rapidement décroché le cocotier ? Le doute est permis. Quoiqu'il en soit, il existe désormais une
jurisprudence Guy Roux, dont tous les barbons bondissants pourront à l'avenir se prévaloir.Tant mieux pour eux et pour le sorcier bourguignon qui, tout de même, ferait bien parfois de tenir sa
langue. Lui, qui raillait récemment Thierry Henry pour être revenu sur sa parole de finir sa carrière à Arsenal, n'avait-il pas juré du temps de sa retraite des bancs de touche que l'on ne l'y
reprendrait plus ?