Mercredi 25 et jeudi 26 juin 2008, Nîmes, les idoles sacrées

Publié le 21 septembre 2008 par Memoiredeurope @echternach

Il faut parfois rendre justice aux amis. Il y a déjà plusieurs semaines Maria Guerra m’avait invité à faire une présentation à Nîmes du programme des itinéraires culturels dans un contexte de rencontre économique de dimension européenne. 

J’aime bien Nîmes et j’aime bien Maria Guerra et je me suis dit assez curieusement que le mieux en la circonstance était de faire le parcours en train, puisque le réseau du TGV atteint maintenant la Lorraine, voire même le Luxembourg.C’était une belle expérience, bien qu’un peu fatigante. Je suis ainsi parti très tôt en autocar depuis la gare de Luxembourg pour atteindre la gare Nancy TGV et rejoindre du même coup la gare de Marne La Vallée pour y croiser les familles en goguette qui rejoignaient les palais enchantés de Disney. De là, un nouveau convoi venant de l’aéroport de Roissy m’a conduit à Lyon et Nîmes où la chaleur était au rendez-vous.  

Le retour a été tout aussi drôle, avec un changement à Lyon cette fois et une lente remontée vers Metz et de là vers Luxembourg.

Si je trouve cela drôle, c’est que je n’avais pas vraiment réalisé que, d’une part les lignes logiques…Luxembourg – Paris – Nîmes et retour, étaient inabordables parce que saturées…et que le réseau de trains à grande vitesse qui a été mis en place ces dernières années est constitué d’un ensemble de parcours qui traversent en permanence des campagnes un peu désertes, un peu artificielles, comme si on était au cinéma, ou dans un train fantôme. 

Pas de grandes villes, ou très peu, en tout cas, des changements de train dans des espèces de non-lieux. L’atmosphère de la Flèche Jaune de Viktor Pelevine. Tout cela donne l’impression d’un monde parallèle grâce auquel on pourrait vivre complètement dans les trains, en changeant de temps en temps de ligne et d’horizon. Un hôtel en mouvement réalimenté en images, en quelque sorte.

Mais je ne regrette pas cette expérience, même si je ne la renouvellerai pas tout de suite.Je la regrette d’autant moins, que le rythme du train permet de lire. Et chapitre après chapitre, je rentre dans les dédales de Geert Mak et de sa traversée du XXe siècle.

J’ai déjà évoqué son livre attachant qui demande le temps de ses mille pages. Mais la compréhension de l’Europe est certainement à ce prix.

Tout ce qui concerne la Révolution russe m’abeaucoup appris. Il a su retrouver les traces du début du communisme révolutionnaire, le voyage de Lénine et interroger les lieux et les faits dans un mouvement de bascule entre passé et présent, légendaire et réalité.

Ce que l’on peut connaître du réel, dans un pays, un empire qui a vécu sur l’imagerie et les icônes…et qui est en train d’en fabriquer de nouvelles, n’est pas si aisé. Même si Poutine, dont on trouve le visage peint sur les poupées russes en vente à Vilnius, n’a ni moustache, ni barbe, comme les Bolcheviques des légendes noires et dorées, le succès des portraits idylliques a encore cours.  

« Presque toutes les traditions religieuses mettent en scène un même épisode narratif qui montre le Prophète fuyant le mal. Il fallait au marxisme-léninismequelque chose d’analogue. Le séjour de Lénine à Razliv fut utilisé à cette fin. On eut vite fait, après sa mort, d’ériger un monument près de la hutte de paille. Un musée fut édifié, où l’on conservait, entre autres, l’oreiller et la couverture de Lénine (les objets que l’on peut voir aujourd’hui portent ingénumentla mention copie.) Razliv devint ainsi un lieu de pèlerinage florissant, visité chaque année par des foules entières, et d’où rayonnait la légende, colportée par des livres et des souvenirs de pacotille.Au bout de cinquante ans, la grange primitive se trouva dans un état de décrépitude et de délabrement complets. De ce fait, la planque de Lénine fut démolie en 1970, dans le plus grand secret. Après quoi tout le bazar fut reconstruit, dans le style d’origine, mais flambant neuf. Tout autour de la cabane fut édifié une espèce de châsse de verre, comme c’est souvent l’usage dans les lieux saints. Nous visitons l’intérieur : une table, un lit, un samovar, une chaise devant la fenêtre, un verre à thé contenant quatre mouches mortes ; à l’arrière, de quoi mettre une vache. L’étable de Bethléem de Lénine. »

Je le redis, c’est un très grand livre dont je rappelle le titre : « Voyage d’un Européen à travers le XXe siècle” .