Towelhead

Par Luc24

Alan Ball, scénariste de American Beauty et créateur de la vénérée série Six Feet Under fait ses débuts au cinéma en tant que réalisateur. Et le peu que l’on puisse dire c’est que son entrée est fracassante. Towelhead (qui signifie « bougnoule ») est l’œuvre d’un auteur à suivre dans le cinéma indépendant américain.

La critique  

 

Intelligent et subversif, un film sur la naissance des désirs indispensable !

Jasira (Summer Bishil) a treize ans et vit chez sa mère divorcée. Cette dernière a un nouveau compagnon, un brin pervers, qui propose à Jasira de la raser (et intégralement !). Choquée par la sexualité naissante de sa fille, la mère décide de l’envoyer au Texas, à Houston, chez son ex mari (Peter MacDissi). Un homme paradoxal qui à la fois impose ses valeurs traditionnelles mais flirte avec une jeune femme très libérée. Etouffée par l’éducation de son intransigeant paternel, Jasira vit ses premiers désirs dans le plus grand secret. En gardant le fils de son voisin Monsieur Vuoso (Aaron Eckhart), elle tombe sur des revues pornographiques qui ne manquent pas de susciter son intérêt. Elle a ainsi son premier orgasme. Perdue entre une éducation stricte et des désirs de plus en plus envahissants, Jasira envoie des signaux sexuels aussi bien à son camarade de classe black qu’à son voisin Vuoso qui approche de la quarantaine. A la fois jeune fille naïve et Lolita hyper sexuée, elle va s’entrainer dans des jeux adultes plus déroutants qu’elle ne pourrait le penser…

L’intelligence c’est d’être capable d’avoir deux avis divergents en même temps. Cette réflexion, lancée l’air de rien par le père de Jasira dans une situation assez comique, est profondément représentative de l’esprit de Towelhead. Au premier abord, nous sommes devant un film assez académique dans sa forme et son fond, soigné, doté d’une réalisation fluide et précise. Mais, comme ces petits détails qui se cachent en arrière plan, chaque personnage témoigne d’une réjouissante ambivalence. Un père très porté sur la tradition mais qui fait souvent comme bon lui semble (le « fais ce que je dis mais pas ce que je fais » érigé en art de vivre). Une adolescente fragile et naïve mais en même temps très allumeuse et rebelle. Un voisin réserviste légèrement raciste mais sympa qui a un faible pour les jeunes filles…Dans la petite banlieue américaine, les adultes comme les ados ne semblent guidés que par leurs instincts sexuels. Le papa de Jasira malgré ses principes ne craque ainsi que pour des femmes belles et superficielles qui excitent sa libido ; Jasira s’émoustille devant des revues pornos en se frottant à sa chaise et chauffe tous les mâles qui l’approchent ; Vuoso ne peut retenir ses montées de désir pour la nouvelle Lolita du quartier, plus ou moins réceptive à son charme.

A la fois tendre et subversive, la première réalisation d’Alan Ball ne manque pas d’audaces scénaristiques. Summer Bishil éblouit dans le rôle de Jasira, adolescente en proie à ses premiers désirs, des désirs incontrôlables. Sa relation avec son voisin, entre liaison torride et abus sexuel a de quoi marquer les esprits. Aaron Eckhart est parfait dans son rôle de « Captain America » qui dresse fièrement le drapeau de sa nation mais qui lève aussi trop facilement son drapeau personnel dans des conditions délicates. Choisir un acteur sexy pour ce rôle ne fait qu’augmenter le trouble. La tension sexuelle est à son comble, au loin pourtant la bonne morale à l’américaine semble avancer…mais elle ne l’emportera pas. Entre moments d’émotions et de comédie pure, Towelhead mélange la provoc et la subtilité pour une œuvre totalement divertissante et jouissive. Cela fait bien longtemps qu’un portrait d’ado n’avait pas été aussi intelligent, amusant et maitrisé. Alan Ball n’épargne ni la société ni la famille américaine et se présente comme un réalisateur libre et ambitieux. Un énorme coup de cœur.

Sortie le 12 novembre 2008